« Carpent tua poma nepotes »
Jusqu'à un certain moment de sa vie, on trace son sillon, on plante ses choux et ses roses, on greffe ses arbres fruitiers, sans que nous effleure le doute : il y aura un temps pour récolter, moissonner, vendanger, cueillir.
Une absence de doute irréaliste mais pas tout à fait absurde.
Jusqu'à un certain moment de sa vie, on se sait mortel, mais d'un savoir qui reste abstrait. Et c'est heureux.
Et puis on vieillit et on se dit : à quoi bon planter encore un arbre, de toute façon je ne le verrai pas pousser.
Fais-le quand même, répond Virgile, tes petits enfants cueilleront les fruits.
(Au passage j'ai envie de lui faire remarquer, à Virgile, qu'il est plus facile de trouver l'envie et l'énergie de planter, bêcher, arroser, tout ça, quand on est soutenu par le mécénat de Mécène)
(mais bon je dis ça je dis rien).
Tes petits enfants cueilleront les fruits.
À condition toutefois que les fruits de l'arbre vieillissant et vermoulu que tu es devenu ne soient pas immangeables. Pour cause de fadeur, d'amertume, de blétitude
(oui je sais blétitude n'existe pas mais rime trop bien avec lassitude) (et décrépitude).
À condition aussi qu'ils aient les mêmes goûts que toi (très très aléatoire).
À condition avant tout que la vie t'en ait donné, des petits-enfants.
Tu as cette chance. Ils sont là, poussent peu à peu leurs branches, déplient leurs premières feuilles.
Et tu te dis l'important ce sont leurs fruits à eux. Ceux qu'ils donneront plus tard sans doute, ceux qu'ils donnent déjà, en joie, en lumière.
L'important ce sont les fruits qu'ils sont.
Alors finalement côté cueillette, le meilleur truc pour être sûr de pas se planter, oui c'est ça (le lecteur l'a vu venir) :
Carpe diem
(comme disait un collègue à Virgile).