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Petit mais costaud

 

Gentillet, ette. XVI°. Assez gentil, petit et gentil.

Petit et gentil : association d'idées que les moins de 10 ans ou de 1m55 (sans me vanter) déplorent dans nombre de circonstances (file d'attente, métro bondé etc.)

« Le petit, là, on peut y aller, le bousculer, lui marcher sur les pieds, il a l'air gentil, et de toutes façons il n'a pas les moyens de sa colère. » Bref t'es petit, sois gentil et tais-toi. (Et quand t'es petite n'en parlons pas).

voir mignonnet. Plutôt péj. Agréable mais insignifiant. « Un roman gentillet » (vas-y Robert, balance, espèce de dégonflé).

 

C'est curieux quand même l'évolution sémantique. Comment est-on passé de gentil au sens de noble (XI°s) à gentil au sens d'agréable et bien disposé (XIII°s) (et jusqu'au péj gentillet) ?

Le noble, en position dominante dans la hiérarchie sociale, n'avait nul besoin d'être sympa.

Quoique. Faut payer les mercenaires, gratifier les vassaux. Du coup les années de disette t'as beau pressurer serfs et vilains, faut apprendre à séduire le riche bourgeois qui peut avancer quelques sous.

En fait les dates suggèrent un rapport avec le polissage des cours féodales, l'apparition de l'amour courtois. Mais pourquoi le mot gentil pour devenir bon et charmant a-t-il dû sacrifier ses lettres de noblesse ?

J'ai lu il y a quelque temps un livre sur la gentillesse. J'ai oublié le nom de l'auteur (l'aurais-je retenu s'il s'était agi d'un écrit provocateur et violent ?)*

C'est, dit-il, une vertu sous-estimée. Sans prétention à l'idéalisme platonicien ni à l'éthique kantienne, elle est la vertu humaniste par excellence.

Elle est véritablement socialisante du fait qu'elle est une réponse. Le gentil est discrètement à l'écoute. Il n'impose pas sa gentillesse, pour (se) prouver qu'il est quelqu'un de bien.

Il se contente de répondre présent s'il en perçoit le besoin chez autrui. Ni esbroufe ni pathos ni recherche de pouvoir dans son empathie.

L'auteur différencie gentillesse et sollicitude. Celle-ci définie comme une vertu surtout intrafamiliale, l'obligation mutuelle de prendre soin les uns des autres.

Avec l'intrusion que cela peut supposer, dit-il, surtout dans le sens parents/enfants (ajoutons le sens inverse dans la dépendance du grand âge).

C'est vrai : sans doute la sollicitude n'est-elle pas au-dessus du soupçon de sadisme inconscient des soignants et des éducateurs (dit Freud) (je ne commente pas ce serait pas gentil).

Bref, la gentillesse est une petite vertu, mais solide. Et puis : les grandes vertus héroïques, surtout si elles se réclament d'un label divin ... hein ? …

L'auteur conclut : la gentillesse n'est bien sûr pas capable de changer tout ce qui va mal. Mais elle peut amener en douceur la société à plus de douceur.

Le gentil vient réveiller la gentillesse qui sommeille en chacun. Voire la réanimer pour les cas où elle est en coma dépassé.

C'est vrai que certains jours on se dit y a urgence.

 

*en fait c'est Petit éloge de la gentillesse (Emmanuel Jaffelin)

 

Commentaires

  • "Petit" éloge, c'est forcément gentil. L'emploi actuel de cet adjectif par antiphrase en dit long sur l'éloignement de la douceur. Merci pour ce billet plein de gentillesse.

  • Merci à vous, Tania, de venir lire !

  • Oh, "gentil" n'a pas perdu toute sa noblesse.
    Il en garde un peu dans "gentilhomme".

  • C'est sûr, mais mondialisation oblige, d'un homme qui agit avec générosité ou panache, c'est plutôt dans la langue de Trump qu'on dit que c'est un gentleman.

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