Le chapitre De la Monarchie (III,6) est le réquisitoire anti-absolutisme de l'un des principaux inspirateurs des penseurs et acteurs de la Révolution. À travers leur action, il a porté ses fruits, du moins en partie et en certains lieux.
Si bien que nous ne lisons plus ce chapitre avec autant de passion que les contemporains de Rousseau. Quoique : deux siècles et demi après, il trouve hélas un regain d'actualité, si l'on considère certaines demandes de pouvoir « fort ».
La monarchie pourrait avoir un atout, reconnaît JJ. La concentration maximale du pouvoir peut être un gage d'efficacité. Sauf qu'elle produit une trop grande distance entre le Prince et le Peuple, et l'État manque de liaison. Pour la former, il faut donc des ordres intermédiaires.
Or en monarchie tout dépend du bon vouloir du Prince, ce sont donc ceux qui savent le mieux lui faire leur cour qui seront recrutés.
Ceux qui parviennent dans les monarchies ne sont souvent que de petits brouillons, de petits fripons, de petits intrigants, à qui les petits talents qui font dans les Cours parvenir aux grandes places, ne servent qu'à montrer au public leur ineptie aussitôt qu'ils y sont parvenus.
(On sent qu'il a des exemples en tête, JJ) (curieusement nous aussi).
Quant au monarque lui-même, il le faudrait vertueux, intelligent etc. Chose rarissime en monarchie héréditaire. Pourquoi avoir écarté la monarchie élective ? L'interrègne était propice aux rivalités factieuses.
Sauf que, substituant l'inconvénient des régences à celui des élections (…) on a mieux aimé risquer d'avoir pour roi des enfants, des monstres, des imbéciles, que d'avoir à disputer sur le choix de bons Rois.
On prend beaucoup de peine, à ce qu'on dit (savoureuse incise pleine d'implicites), pour enseigner aux jeunes Princes l'art de régner (…) On ferait mieux de commencer par leur enseigner l'art d'obéir.
Bref la monarchie est un système dans lequel on met toutes les chances de son côté pour éviter un bon gouvernement. Et Rousseau de terminer le chapitre en persiflant (persiflant ? C'est la contagion du style 18°s).
On nous dit, dit-il, qu'il faut supporter les mauvais rois comme des châtiments du ciel. Ce discours est édifiant, sans doute ; mais je ne sais s'il ne conviendrait pas mieux en chaire que dans un livre de politique. Que dire d'un Médecin qui promet des miracles, et dont tout l'art est d'exhorter son malade à la patience ?
On sait bien qu'il faut souffrir un mauvais Gouvernement quand on l'a ; la question serait d'en trouver un bon.