« N'adopte pas les opinions de l'insolent ou celles qu'il veut t'imposer sans vérifier si elles sont conformes à la vérité. »
(Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même IV,11)
Traduit par insolent, un mot formé sur la racine hybris. Ce terme est essentiel pour définir l'être au monde dans la pensée grecque.
C'est, dans la mythologie, l'attitude de qui ne se conforme pas à l'ordre et à la hiérarchie du cosmos. Les hommes à leur place, les dieux à la leur. Et les dieux sont très attachés à ce schéma, vu qu'ils se sont arrogé la place de chefs.
Pour qui se met à mélanger les deux ordres (hybris a donné le mot hybride), cela se passe mal, exemple type Prométhée. (Sauf pour Zeus en fait, ou autres divinités allant séduire des mortel(le)s, selon le principe bien connu : faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais).
Pour Marc-Aurèle, l'ordre du monde ne repose pas sur la revendication de pouvoir absolu de dieux copies conformes des despotes humains.
Il ne peut exister que par l'adéquation entre fonctionnement de la nature et comportement des humains. Cette adéquation est le socle et le critère de la vérité.
Elle n'est pas donnée, il faut la discerner par la raison (censée être caractère essentiel de l'être humain), et ainsi tenter d'y conformer ses opinions et ses actes.
On remarque donc ici un renversement fort intéressant.
C'est l'insolent en question qui veut imposer ses opinions, comme les dieux une loi selon leurs caprices et leurs intérêts.
Et il faut alors des êtres humains raisonnables et sages pour vérifier leur conformité à la vérité, autrement dit c'est la raison humaine qui est en charge de préserver l'ordre social et cosmique.
C'est dire si on est mal barré.