« De nombreux grains d'encens jetés sur le même autel, l'un est tombé le premier, un autre tombera le dernier et cela n'a pas d'importance. »
(Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même IV,15)
Pour le culte de qui, ces grains d'encens ? De la vie elle-même, bien sûr. Chaque vivant est l'un de ces grains.
Quelle que soit son existence, d'un point de vue subjectif comme objectif, facile ou pas, fructueuse ou pas, en quelque lieu ou temps qu'elle soit vécue, elle est au moins louange au simple fait de vivre.
Cette chose extraordinaire, que nous percevons pourtant sur le mode de la banalité, tant nous faisons corps avec ce fait d'être vivant, participant d'un miracle universel et intime à la fois.
Cette belle perception fonde l'indifférence stoïcienne, qui cependant fait toujours un peu genre « cache ta joie » : cela n'a pas d'importance ...
Spinoza, dans une conception proche, mais sans cacher sa joie lui, assoit l'acquiescentia in se ipso (l'adhésion intime et paisible à ce qu'on est) sur l'amor dei intellectualis (l'adhésion, le plein consentement à « dieu ou la nature » que permet la raison humaine)
(Cf Éthique Partie 5 prop 36 et coroll. Voir ce blog 13-07-2013) (déjà ...).
On peut donc aussi voir dans ces grains d'encens les efforts intellectuels, scientifiques, artistiques, éthiques, des humains. Et c'est vrai que vu de la vie elle-même (sub quadam specie aeternitatis dirait encore Spinoza), peu importe qui a fait quoi le premier, qui a suivi qui dans ce mouvement.
La vie ignore les copyrights et brevets d'invention. Au lieu de dire « je pense comme Marc-Aurèle » on peut dire tout pareil « Marc-Aurèle pense comme moi ».
Encensé, non ?