La suite complexifie encore le schéma arachnéen qui se met en place depuis la proposition 14. Encore ? (diras-tu lectrice-teur). Oui et c'est pas fini. Mais je te rassure on tient le bon bout.
Je récapitule quand même ?
Fil 1 une circonstance réelle produit un affect.
Fil 2 l'imagination de la circonstance implique l'affect.
Fil 3 des objets pas vraiment semblables, mais assimilables, impliquent des affects semblables.
Et voici maintenant le nouage entre le 2 et le 3, l'imagination, non de la circonstance ou de l'objet, mais de la ressemblance.
« Si nous imaginons qu'une chose qui nous affecte habituellement d'un affect de tristesse a quelque ressemblance avec une autre qui nous affecte habituellement de joie de grandeur égale, nous aurons cette chose en haine et en même temps nous l'aimerons. »
(Spinoza Éthique part.3 prop.17)
Le scolie qui suit commente :
« Cet état de l'esprit qui naît de deux affects contraires s'appelle 'flottement d'âme', lequel, partant, est à l'affect ce qu'est le doute à l'imagination ».
Lien nécessaire de l'imagination au doute, à cause de ses deux valeurs de re-présentation et de « fictionalisation » : ai-je vraiment joué dans ce film, (ou simplement l'ai-je vraiment vu), ou encore ce scénario est-il réaliste, ou bien suis-je en train de me faire mon cinéma ?
Nous aurons en haine et en même temps nous aimerons.
Le récurrent en même temps renvoie ici les lecteurs post-freudiens que nous sommes à la coexistence (et co-action) de l'inconscient et du conscient*.
On a toutes les raisons de haïr (ou aimer) un objet, alors pourquoi le rapprocher d'un objet aimé (ou inversement) ? Y a forcément un truc qu'on sait pas et c'est lui qui nous fait imaginer la ressemblance.
*Un nouage encore, que Lacan rend sensible en reformulant par le mot hainamoration le concept freudien d'ambivalence.