Madeleine est une vieille dame. Une vieille dame un peu triste par moments. Elle a vécu longtemps heureuse avec son mari, Léon. Elle a eu beaucoup d'amis. Mais le temps a passé, Léon est mort. Les amis aussi sont morts, les uns après les autres.
Madeleine est seule.
Elle pense parfois aux enfants qu'elle n'a pas eus. Aujourd'hui ce serait bon de les avoir autour de la table pour un repas de fête. Avec aussi les enfants qu'ils auraient eus à leur tour.
Tout ce sang qui s'écoulait d'elle. Elle avait saigné si longtemps. Après elle ne se souvient plus très bien. L'hôpital, les blouses blanches, le regard du docteur derrière ses lunettes.
Voilà : Madeleine, la jeune Madeleine de vingt-cinq ans, n'aurait jamais d'enfants ni de petits enfants.
Et puis la jeune femme était devenue la vieille Madeleine, seule dans sa maison vide.
Elle sort de moins en moins. Elle regarde beaucoup la télévision. C'est comme se promener dans la rue, mais sans les tiraillements dans ses reins, sans la fatigue de traîner ses vieilles jambes, sans la douleur après quand il faut les allonger sur le lit, un coussin sous les chevilles.
A la télé c'est plein de gens, d'inconnus interchangeables qui lui sourient comme des amis. Qui sourient indifféremment à toutes les autres Madeleines qu'elle imagine parfois, pareillement devant leur poste, dans une robe de chambre du même tissu, dans une maison semblable imprégnée de la même odeur de quotidien doucement insipide, veuves elles aussi de la tendresse de leur Léon.
Mais ce soir Madeleine n'a pas allumé la télévision.
Ce soir soudainement, la télécommande en main, elle a suspendu son geste, sans savoir pourquoi. Puis elle est restée un long moment debout à la fenêtre, sans allumer non plus la lampe, tandis que la nuit venait peu à peu. Elle a regardé pourtant sa télévision, cet objet-là, restant de longues minutes fascinée par l'œil rouge au bas de l'écran opaque.
C'était comme une toute petite braise.
Une petite braise ... Tiens, et si elle se faisait un feu dans la cheminée, ce soir ?
Commentaires
Nos pensées se rejoignent en ces jours de Noël. Merci. Je viendrai regarder vos étoiles.
Merci Tania, je vous lis régulièrement aussi, car vos "textes et prétextes" sont très ... éclairants.