Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

(5/14) Contention et contagion

« La jalousie, la gloire, la contention me poussent et rehaussent au dessus de moi-même. Et l'unisson est qualité du tout ennuyeuse en la conférence. »

(Essais III,8 De l'art de conférer)

 

Les passions d'émulation sont le moteur nécessaire à faire avancer le débat et lui assurer un intérêt suffisant. La conférence est un théâtre où l'on est à la fois le public et les comédiens qui se donnent la réplique. Faut qu'il y ait un minimum de spectacle, fût-ce au prix parfois du cabotinage.

Perso je ne suis pas d'accord, mais, magnanime, je laisse à Montaigne le droit le penser ...

C'est l'occasion en tous cas de rappeler son goût pour l'art du théâtre, et les succès qu'il y a obtenus enfant au collège (cf Essais I,26 De l'institution des enfants).

 

Cette conférence entre gentilshommes (et quelques dames) en Périgord ou à Paris s'inscrit dans une histoire. Elle annonce les salons de la Préciosité et des Lumières, elle hérite de la Courtoisie médiévale.

Avec en palimpseste la matrice de tout cela, le dialogue platonicien.

Toutes circonstances de dialogues où joue à plein ce moteur d'émulation.

 

Mais le mode en émulation présente un danger :

« Comme notre esprit se fortifie par la communication des esprits vigoureux et réglés, il ne se peut dire combien il perd et s'abâtardit par le continuel commerce et fréquentation que nous avons avec les esprits bas et maladifs. Il n'est contagion qui ne s'épande comme celle-là. »

 

La première citation énonce le côté constructif de l'émulation. L'ambiguïté des sentiments qui la sous tendent, jalousie, souci de briller, se convertit dans le débat en énergie positive.

Ici est posé à l'inverse, dans un parallélisme appuyé, ce qui doit être objet de fuite (cf 1/14).

S'abâtardit/se fortifie

vigoureux/maladifs-contagion

 

Le parallélisme communication/commerce et fréquentation est alors à interpréter à la lumière de celui-ci.

Cette distinction nous parle nécessairement. Car elle accuse la différence de nature entre le commerce (à tous sens) qui prévaut dans les réseaux dits sociaux (ou dans ceux des médias qui s'alignent sur eux), et un mode de communication qui permette vraiment le débat : s'écouter pour s'entendre, désir d'apprendre les uns des autres.

Dans une communication digne de ce nom* les divergences d'opinion peuvent se faire constructives, devenir le moyen de s'édifier mutuellement, et poliment, en société cohérente.

 

*que ce mot soit associé au mercantilisme publicitaire : agaçant, non ?

 

Les commentaires sont fermés.