« Ils sont achevés, les ciels, la terre et toute leur troupe.
Elohim achève au jour septième son ouvrage qu'il avait fait.
Il chôme, le jour septième, de tout son ouvrage qu'il avait fait. »
(Genèse chap.2 v.1-2, trad. A. Chouraqui)
Chouraqui dit chômer, souvent on dit se reposer. Ni l'un ni l'autre ne suffisent à rendre compte de toutes les implications du terme. Elohim a fait, et puis il ne fait plus. Il arrête de faire.
Au jour septième où en arrive le texte, Elohim n'a plus rien à faire, il a achevé tout son ouvrage (faut être Elohim, hein, pour être sûr de ça, avoir tout fait). Qu'est-ce que j'peux faire j'ai rien à faire, serine Anna Karina dans Pierrot le fou.
Moins dépressif qu'elle sans doute (ou les auteurs bibliques moins dépressifs que Godard) il va se satisfaire de ne rien faire. Sauf qu'en fait ce faire-pas qui débute au septième jour n'est pas exactement ne rien faire (ou en tous cas il oblige à considérer la subtilité du mot rien cf 2/12).
Ce chômage génétique (je veux dire du livre de la Genèse), c'est l'idée de laisser-faire. Durant les six jours précédents, les éléments ont été posés, il y a désormais matière à faire, pourrait-on dire.
Matière organisée selon un logiciel : système d'alternance temporelle, classification des éléments, puis des êtres vivants, végétaux et animaux.
Les vivants sont équipés en prime d'un moteur autonome, apte à entretenir un cycle, un mouvement perpétuel.
« … toute l'herbe semant semence, sur les faces de toute la terre, et tout l'arbre avec en lui fruit d'arbre, semant semence. » (Gen chap.1 v.29)
« Elohim fait le vivant de la terre pour son espèce, la bête pour son espèce et tout reptile de la glèbe pour son espèce. » (v.25)
Ah tiens, pourquoi le reptile à part ? dira le lecteur naïf. Mais celui qui connaît la suite de l'histoire admirera l'art narratif.
Ainsi l'auteur de polar glisse un détail dans un flot d'informations, histoire de noyer le poisson. Et après coup le lecteur comprend que c'était un sacré indice.
Sauf qu'ici le vrai lézard n'est pas le fait de ce pauvre reptile.
« Elohim crée le glébeux (l'adam) à sa réplique, à la réplique d'Elohim, il le crée, mâle et femelle il les crée. Il les bénit, leur dit Fructifiez, multipliez, emplissez la terre ...» (v.27-28)
Bon jusqu'ici tout va bien, non ? Attends, lecteur, voici venir le bug du programme, le grain de sable dans les rouages.
« ... conquérez-la, assujettissez le poisson de la mer, le volatile des ciels, tout vivant qui rampe sur la terre. » Conquerrez, assujettissez : c'est du lourd.
Genre « à partir de maintenant à vous, ce jour huitième est celui de vous humanité, allez-y lâchez-vous, et après moi le dél … Euh je veux dire let it be. »
Certes j'ai sur les auteurs du 6° avt JC l'avantage de connaître la suite. Mais quand même, imaginer un Elohim qui remette un tel chèque en blanc à des gens qu'il connaissait ni d'Ève ni d'Adam, perso je suis peut être parano, mais en vérité je vous le dis : ça me serait pas venu à l'esprit.