« J'ai eu à cœur de chercher et d'explorer par la sagesse tout ce qui se fait sous le ciel. » (Qo1,13)
Le Qohélet prend la parole pour raconter son exploration existentielle dans le brouillard de vanité et de non-sens, avec pour boussole la sagesse. Normal.
En tant que roi Salomon, parangon de sagesse, il a une réputation à tenir.
Je rappelle au passage que ladite réputation de sage repose surtout sur un fameux jugement (1er livre des Rois, chap.3, v.16-28), dans lequel notre roi-rassembleur propose une division pour le moins radicale. Piquant, non ?
En fait l'épisode montre surtout son pragmatisme, qui se retrouve aussi dans ce livre.
À propos de la sagesse, pour le Qohélet une chose est claire : ça nuit. Ben oui, comme se coucher tard (salut au grand Devos).
Et d'ailleurs ça fait souvent se coucher tard. Et mal dormir. Bref
« C'est une occupation de malheur que Dieu a donnée aux fils d'Adam pour qu'ils s'y appliquent » (1,13)
Chouraqui dit carrément « C'est un intérêt malin qu'Elohim donne aux fils de l'humain pour s'en faire du mal. »
Sa formulation m'intéresse davantage, car comment ne pas la rapprocher de la mise en garde divine à propos de l'arbre du connaître bien et mal ? Laquelle sera transgressée moyennant le conseil d'un serpent fort malin (Gen 2 v.16-17 et 3 v.1-4)
Le texte de Genèse 2/3, remarquons-le, met devant un fameux paradoxe, et même ce qu'il faut appeler un double bind. (Fréquent dans la Bible cf 2/16).
Les auteurs de la Genèse sont des sages qui s'en prennent à la sagesse. Le Qohélet fait de même.
C'est là encore ce que fait souvent Montaigne. En particulier dans l'Apologie de Raimond Sebon (Essais II,12). Encore que, plus que la sagesse, ce soit la raison qu'il questionne dans ce chapitre. Avec l'idée que raison et sagesse ne sont pas toujours superposables.
N'est-ce pas la raison, entendue comme calcul rationnel, vision comptable en gains et pertes, qui conclut que tout est vanité ?
« Ce qui est tordu ne peut se réparer, ce qui manque ne peut être compté. » (1,15) ou encore
« En beaucoup de sagesse il y a beaucoup d'affliction ; qui augmente le savoir augmente la douleur. »
C'est pour cela que, retournant comme un gant cette logique implacable, le Qohélet décide de prendre les choses dans l'autre sens.
La sagesse est un intérêt malin ? Soyons plus malins, essayons la folie.
Commentaires
Ben oui. Est-ce pour ça donc que les imbéciles sont réputés heureux ? Et se dire que c'est à cause de notre grande sagesse qu'on souffre d'insomnies, est-ce une consolation ?
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