Je marche avec en tête la si belle phrase de Montaigne-encore-lui-oui-voilà-c'est-comme-ça : je me promène pour me promener (Essais III,4 De la diversion).
Plus je me la répète, plus je la savoure. Et plus je me sens à ma place, ici, maintenant, parmi ces passants dont je ne sais pas pourquoi ils se promènent, eux.
À vrai dire, il est clair que beaucoup, ne bénéficiant pas comme moi de l'oisiveté d'une vie de retraitée, ne se promènent pas. Ils filent, avancent, se hâtent d'arriver.
Moi je vais sans hâte et ne vais nulle part.
Et je me souviens. Ma mère disait : sortons un peu, il faut s'aérer. Quand soufflait le Mistral, ça pour s'aérer, on s'aérait.
Mais à l'époque, j'aimais le vent, tous ses visages m'étaient amis. Mistral d'hiver violent, impétueux, sans réplique, mais si vivifiant. Mistral vert du printemps, Mistral d'automne jouant à faire tourbillonner les feuilles mortes. Mistral d'été qui révélait tout à coup le sens du mot bleu-marine et ourlait les vagues de dentelle blanche.
Maintenant sortir par temps de Mistral m'oblige à dégainer une artillerie plus ou moins lourde de protection de mes fichues oreilles
(l'hiver ça peut aller jusqu'à la technique coton dans les oreilles+ foulard+chapeau).
Et je me souviens. Ma mère ne sortait jamais, par temps de Mistral, sans son foulard bien serré sous son menton. C'était certes la mode en ces années 60, mais quand même je la trouvais un peu bizarre, en mon for intérieur, d'être si précautionneuse.
N'aimait-elle pas, comme moi, que le vent joue dans ses cheveux ?
(Si j'avais eu le mot j'aurais pensé : Maman est carrément phobique).
Maintenant je me méfie moi aussi des traîtrises du vent, bien obligée.
Mais quelque part en moi l'enfant qui sortait s'aérer ressent toujours la même gratitude pour ses magistraux allègements.
Commentaires
Joli ! Apprécié d'une promeneuse qui a toujours un bandeau sur les oreilles quand elle sort.
Merci, je me sens moins seule ...