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Ainsi que des chemins

« La plus pénible assiette pour moi, c'est être en suspens ès choses qui pressent(1), et agité entre la crainte et l'espérance.

Le délibérer(2), voire ès choses plus légères, m'importune ; et sens mon esprit plus empêché à souffrir(3) le branle et les secousses diverses du doute et de la consultation, qu'à se rasseoir et résoudre à quelque parti que ce soit, après que la chance est livrée(4).

Peu de passions m'ont troublé le sommeil ; mais, des délibérations, la moindre me le trouble.

Tout ainsi que des chemins, j'en évite volontiers les côtés pendants(5) et glissants, et me jette dans le battu le plus boueux et enfondrant(6), d'où je ne puisse aller plus bas, et y cherche sûreté. »

(Montaigne Essais livre II chapitre 17 De la présomption)

 

(1)Des choses pas tant urgentes que potentiellement lourdes de conséquence. (Opposées à choses plus légères de la phrase suivante).

(2)Le processus de prise de décision.

(3)Empêché à souffrir = ayant de la peine à supporter.

(4)Une fois que le sort en est jeté.

(5)Pentus.

(6)Où se creusent des fondrières, des ornières. Terme probablement inventé par Montaigne.

 

On voit ici un exemple de séquence d'écriture fréquente dans les Essais.

Un fait (ou un sentiment) est présenté de façon argumentée et circonstanciée, dans un style plutôt laborieux. Et puis, derrière, arrive une belle métaphore bien concrète, jouant sur quelques mots au fort pouvoir évocateur.

Cela dit, la solution de régler son flottement d'âme (dirait Spinoza) en se jetant dans le battu le plus boueux et enfondrant ça fait un peu politique du pire.

 

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