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Pour le coin d'une librairie

« Je ne dresse pas ici une statue à planter au carrefour d'une ville, ou dans une église, ou place publique(1). C'est pour le coin d'une librairie, et pour en amuser un voisin, un parent, un ami, qui aura plaisir à me racointer(2) et repratiquer en cette image.

Les autres ont pris cœur de parler d'eux pour y avoir trouvé le sujet digne et riche ; moi, au rebours, pour l'avoir trouvé si stérile et si maigre qu'il n'y peut échoir soupçon d'ostentation.

Je juge(3) volontiers des actions d'autrui ; des miennes je donne peu à juger à cause de leur nihilité.(4)

Je ne trouve pas tant de bien en moi que je ne le puisse dire sans rougir. »

(Montaigne Essais livre II chapitre 18 Du démentir)

 

(1)Suit une citation d'Horace qui dit en substance : moi je lis pour mes amis, pas sur le forum. Montaigne aurait, j'imagine, souscrit de même à la remarque de Nietzsche (dans la bouche de Zarathoustra) : les choses importantes se font loin de la place du marché.

(2)Rejoindre, mais avec une valeur bien concrète. Dans racointer il y a le mot coin, si bien qu'on pourrait traduire : trouver un bon angle de rapprochement.

(3)Plus que d'évaluation, il s'agit ici d'observation.

(4)Du latin nihil = rien.

 

Je trouve la dernière phrase magistrale, avec cette avalanche de négations qui met en évidence les ruses de la fausse modestie.

La modestie vraie ou fausse n'est pas la question de Montaigne. Sa question est la justesse de regard sur soi.

« De dire moins de soi qu'il n'y en a, c'est sottise, non modestie. De dire de soi plus qu'il n'y en a, ce n'est pas toujours présomption, c'est encore souvent sottise. » (II, 6 De l'exercitation)

 

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