« Si quelqu'un me dit que c'est avilir les muses de s'en servir seulement de jouet et de passetemps, il ne sait pas, comme moi, combien vaut le plaisir, le jeu, et le passetemps. À peine que je ne die(1) tout autre fin être ridicule.
Je vis du jour à la journée ; et, parlant en révérence, ne vis que pour moi : mes desseins se terminent là.
J'étudiai, jeune, pour l'ostentation ; depuis, un peu, pour m'assagir ; à cette heure, pour m'ébattre ; jamais pour le quest.(2)»
(Montaigne Essais livre III chapitre 3 De trois commerces)
(1)Pour un peu je dirais.
(2)Pour la recherche d'un savoir (qui peut dans certains cas être monnayé en un bénéfice plus sonnant et trébuchant).
Les trois commerces (relations) dont il s'agit dans ce chapitre sont l'amitié, l'amour et la lecture. Sur ce dernier point il vient d'expliquer qu'il ne lit en fait qu'en dilettante.
Les livres donnent commerce avec les muses, patronnes des arts et des sciences, choses sérieuses et de conséquence. Lui, il assume de ne fréquenter ces dames que pour le plaisir. D'en faire des camarades de jeu plutôt que des enseignantes.
Or voilà : ce comportement, loin qu'il soit insultant pour les muses, un abaissement (avilir), il en fait un hommage. Le vrai sérieux se moque du sérieux