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Splendeur de liberté

« J'aime tant à me décharger et désobliger(1) que j'ai parfois compté à profit les ingratitudes, offenses et indignités que j'avais reçu(2) de ceux à qui, ou par nature ou par accident, j'avais quelque devoir d'amitié, prenant cette occasion de leur faute à autant d'acquis et décharge de ma dette.(...)

Je suis bien déplaisant(3) qu'ils en vaillent moins, mais tant y a que(4) j'en épargne aussi quelque chose de mon application et engagement envers eux. (…)

Après tout, selon que je m'entends en la science du bien-fait et de la reconnaissance, qui est une subtile science et de grand usage, je ne vois personne plus libre et moins endetté que je suis jusques à cette heure.»

(Montaigne Essais livre III chapitre 9 De la vanité)

 

(1)Me délivrer d'une obligation.

(2)Aujourd'hui on serait tenu d'écrire reçues (règle du COD placé avant le verbe, pour ceux qui ont zappé le CE1). Les accords sont à l'époque assez souples. On peut accorder par proximité, ou bien avec un seul des éléments etc. Ou ne pas se soucier d'accord comme fait Montaigne ici.

(3)Cela me déplaît beaucoup.

(4)En contrepartie.

 

Compté à profit, acquis et décharge de ma dette, j'en épargne quelque chose, plus libre et moins endetté : ce champ lexical de la dette est fréquent dans les Essais à propos du commerce que Montaigne entretient avec ses semblables.

Il en ressort la plupart du temps que l'important pour lui est de se libérer du devoir. Expression qu'il faut entendre aussi au sens moral. L'éthique pour Montaigne est affaire de libre choix, non d'obligations morales ou religieuses (bon il dit aussi qu'il n'a pas toujours pu les éviter).

En tous cas l'idée donne lieu, un peu plus haut dans ce chapitre, à l'une des plus belles et fortes formules du livre (à mon goût) :

« Si l'action n'a quelque splendeur de liberté, elle n'a point de grâce ni d'honneur. »

Splendeur de liberté : ça, c'est vraiment lui.

 

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