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La co-réjouissance

« n°338 : La volonté de souffrir et les compatissants.

(…) Partout où l'on remarque que nous souffrons, notre souffrance est interprétée de manière plate ; il appartient à l'essence de l'affection compatissante de dépouiller la souffrance étrangère de ce qu'elle a de spécifiquement personnel : – nos ''bienfaiteurs'' sont, bien plus que nos ennemis, ceux qui rabaissent notre valeur et notre volonté.

Dans la plupart des bienfaits qu'on témoigne aux malheureux, il y a quelque chose de révoltant qui tient à la légèreté intellectuelle avec laquelle le compatissant joue à la destinée : il ignore tout de l'enchaînement et de l'engrenage intérieurs qui s'appelle malheur pour moi ou pour toi ! (…)

Tu voudras aussi aider : mais seulement ceux dont tu comprends parfaitement la misère parce qu'ils partagent avec toi une seule et unique souffrance et un seul et unique espoir – tes amis : et seulement à la manière dont tu t'aides toi-même : – je veux les rendre plus courageux, plus résistants, plus simples, plus gais !

Je veux leur enseigner ce que si peu comprennent à présent et, moins que tous, ces prédicateurs de pitié : – la co-réjouissance ! »

(Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Quatrième livre)

 

Comme tous les gens fragilisés par une profonde sensibilité, Nietzsche perçoit la possible équivalence entre pitié et mépris.

Le rôle du bienfaiteur comporte en effet un bénéfice collatéral pour l'ego. Il permet de se situer en position dominante, de goûter le plaisir d'être celui qui sait qui peut qui veut.

Friedrich, régulièrement en proie à de terribles crises de maux de tête (ben oui forcément), a souvent été blessé d'être celui qu'il faut aider, il en a ressenti plus de honte que de consolation.

Qu'y a-t-il de plus humain ? Épargner la honte à quelqu'un (cf note du 4 juin Le sceau de la liberté)

 

Ce passage trouvera aussi des échos dans Ainsi parlait Zarathoustra, dont Nietzsche entreprend l'écriture dans la foulée de son Gai Savoir.

« Depuis qu'il y a des hommes, l'homme a trop peu été dans la joie : voilà, frères, notre seul péché originel. Et mieux nous apprenons la joie, d'autant mieux nous désapprenons à faire du mal aux autres, et à concevoir le mal. »

« Si ton ami est malade sois un lieu d'accueil pour sa souffrance, mais sois un lit dur, un lit de camp : c'est ainsi que tu lui seras le plus utile. » (Chap Des compatissants)

 

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