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Un grain de générosité

« n°340 : Socrate mourant.

J'admire la vaillance et la sagesse de Socrate dans tout ce qu'il fit, dit – et ne dit pas. (…) Je voudrais qu'il eût également gardé le silence au dernier instant de sa vie, – peut être appartiendrait-il alors à un ordre d'esprits encore supérieur.

Fut-ce la mort, le poison, ou la pitié, ou la méchanceté – quelque chose lui délia la langue à cet instant, et il dit : ''Oh, Criton, je dois un coq à Asclépios''. Cette ''dernière parole'' risible et terrifiante signifie pour celui qui a des oreilles : ''Oh, Criton, la vie est une maladie ! ''

Est-ce possible ! Un homme tel que lui, qui a vécu gaiement et, aux yeux de tous, comme un soldat, – était pessimiste ! Il s'était contenté de faire bonne figure à la vie et avait, toute sa vie, caché son jugement ultime, son sentiment le plus intime !

Socrate, Socrate a souffert de la vie ! Et il en a encore tiré vengeance – par cette parole voilée, horrible, pieuse et blasphématoire !

Fallait-il que même Socrate se venge ? Manquait-il un grain de générosité à sa vertu surabondante ? – Ah, mes amis ! Il nous faut dépasser jusqu'aux Grecs ! »

(Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Quatrième livre)

 

Ah l'aptitude de Nietzsche à décoder l'implicite, à entendre le sous-entendu. On lit ça on se dit : tiens c'est vrai au fait, la parole de Socrate pourrait après tout s'interpréter ainsi.

Et du coup on se fait une réflexion. Si Socrate est tellement malin (pour ne pas dire roublard), d'une ironie qui confine au geste chirurgical, c'est peut être bien que oui : il manque de ce grain de générosité, de ce parti-pris de bienveillance que seul peut donner un certain optimisme sur la nature humaine.

Quoique. Pour ma part, dans mon anti-platonisme primaire, je me demande si le non-généreux n'était pas plutôt lui Platon, qui dans ses Dialogues a fait dire à Socrate ce qu'il a voulu ...

 

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