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On aura compris

« n°344 : En quoi nous aussi sommes encore pieux.

Dans la science, les convictions n'ont pas droit de cité, voilà ce que l'on dit à juste titre : c'est seulement lorsqu'elles s'abaissent au rang d'une modeste hypothèse, d'un point de vue expérimental provisoire, d'une fiction régulatrice, que l'on a le droit de leur accorder l'accès au royaume de la connaissance et de leur y reconnaître même une certaine valeur, – toujours avec cette restriction de demeurer soumises à la surveillance policière, à la police de la méfiance. (…)

La discipline de l'esprit scientifique ne commencerait-elle pas par le fait de ne plus s'autoriser de convictions ? … C'est vraisemblablement le cas : il reste seulement à se demander s'il ne faut pas, pour que cette discipline puisse commencer, qu'existe déjà une conviction, et une conviction si impérative et inconditionnée qu'elle sacrifie à son profit toutes les autres convictions ? (…)

La conviction ''qu'il n'y a rien de plus nécessaire que la vérité, et que par rapport à elle, tout le reste n'a qu'une valeur de second ordre.'' (...)

De sorte que la question : pourquoi la science ? renvoie au problème moral : à quoi tend de manière générale la morale, si la vie, la nature, l'histoire sont ''immorales'' ? Il n'y a pas de doute possible, le véridique, dans ce sens audacieux et ultime que présuppose la croyance à la science, affirme en cela un autre monde que celui de la vie, de la nature et de l'histoire. (...)

Mais on aura compris où je veux en venir, c'est à dire au fait que c'est toujours sur une croyance métaphysique que repose la croyance en la science – que nous aussi, hommes de connaissance d'aujourd'hui, nous sans-dieu et antimétaphysiciens, nous continuons d'emprunter notre feu aussi à l'incendie qu'a allumé une croyance millénaire, cette croyance chrétienne, qui était aussi la croyance de Platon, que Dieu est la vérité, que la vérité est divine ... Mais si cette croyance précisément ne cesse de perdre toujours plus sa crédibilité, si rien ne s'avère plus divin, sinon l'erreur, la cécité, le mensonge – si Dieu lui-même s'avère être notre plus long mensonge ! – » 

(Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Cinquième livre)

 

Costaud, non ? On a l'impression de passer son temps à franchir des cols. On ne cesse de dépasser un point de vue pour un autre, qui intègre le paysage déjà connu, mais le complexifie. Bref on est dans le trek en haute philosophie, faut tenir la distance et ne pas craindre le vertige.

Friedrich nous en prévient dans le liminaire de ce cinquième livre, avec ceci :

NOUS, SANS PEUR

''Carcasse, tu trembles ? Tu tremblerais bien davantage si tu savais où je te mène.''  (Turenne)

Livre qui constitue de fait le plus complexe et même déroutant de l'ouvrage. C'est le moment où l'on ne peut s'empêcher de se dire : Savoir, d'accord, mais Gai ? ...

 

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