On y est attiré par des sirènes. Solution : caves.
Alors, voilà, lecteur, lectrice, je vais te faire un aveu. Contrairement à ma déontologie d'auteur que tu sais impeccable, j'ai légèrement bidouillé cette définition. C'était en fait : on y fut hélas attiré par des sirènes.
Mais l'évidence m'a sauté aux yeux : le présent est plus approprié, non ? Le verbicruciste aurait pu d'emblée l'employer, vu qu'il y a toujours quelque part une guerre en cours, donc des bombardements, donc la nécessité de s'en abriter. Et bien content si l'on a des sirènes qui vous avertissent, et des caves où se réfugier.
Quant à hélas oui bien sûr, mais c'est superflu. On sait depuis le vieil Homère où le chant de certaines sirènes nous mène, hélas.
À nous fracasser de Charybde en Scylla.
Sauf Ulysse évidemment, qui a pris ses précautions. Instruit par dix ans de guerre à Troie, il savait à l'avance ce que chanteraient les sirènes, virtuoses de la pulsion de mort.
Hier aujourd'hui demain, ce chant reste le même hélas : Dieu(x) que la guerre est jolie, qu'elle est belle la haine, qu'il est bon de faire du mal. (Et du coup on se demande : ce malin d'Ulysse, qui sait s'il n'a pas voulu se payer le frisson de ces plaisirs glauques, mais sans les dégâts qui vont avec ?)
Bref les sirènes lancent l'air de rien leur petite musique : un bout de terre où l'herbe est plus verte, une autre façon de croire ou de ne pas croire, une vieille rancoeur entre nations, entre ethnies ...
Un refrain qui se répète, qui vous enveloppe comme un lancinant canon.
Alors on se met à le reprendre en choeur, et c'est gagné : vogue la galère entre Charybde et Scylla. Indéfiniment.
En effet, dès qu'on a accumulé suffisamment de morts de part et d'autre (et maintenant ça va vite, on n'en est plus au feu grégeois comme les petits joueurs des vieilles guerres), on se dit : ah ben non on va pas s'arrêter maintenant ce serait trahir nos morts. Alors on continue à trahir les vivants.
Que l'on ne se mettra à respecter que lorsqu'ils seront assez morts pour mériter respect.
Certains parfois sont tentés de s'arrêter, de dire pourquoi, à quoi bon, tentés de faire taire les sirènes.
Mais ils hésitent : faudrait pas que les autres les prennent pour des caves, hein ?
Allez, à la guerre comme à la guerre, la suite : affrontement à coups de pierres (2 lettres).