Animent des tables rondes. Solution : spirites.
On le sait, parce qu'il était désespéré par la mort brutale de sa fille Léopoldine, Victor Hugo se lança dans des expériences de spiritisme, tentant de retrouver sa présence, d'établir une communication entre le père qui est sur terre et la fille censée flotter quelque part, au-delà.
Mais même avant cette tragédie, notre Totor était un peu perché dans le genre, porté sur les sciences occultes, le paranormal, la croyance en la coexistence de mondes parallèles. Ce qui était assez fréquent chez les poètes, surtout romantiques. Maintenant qu'il n'y a plus trop de poètes et rarement romantiques, ces croyances devraient faire long feu. Eh bien étrangement ce n'est pas le cas.
Pour en revenir à Hugo, remarquons cependant que cela ne l'empêcha pas d'être en prise avec la réalité sociale et politique de son époque. Bref grâce à lui, on peut dire que le spiritisme a quelques lettres, sinon de noblesse, du moins des lettres tout court.
Pour ma part, j'ai participé, adolescente, avec des copains et copines (soirs arrosés de fin de vacances) à des tables rondes de ce genre. Les lettres y jouaient précisément un rôle essentiel. On disposait un alphabet sur la table, avec un verre qui se déplaçait pour répondre aux questions posées aux esprits censés passer par là. Il fallait d'abord identifier l'esprit qui se pointait en réponse à nos invocations, en général un mort de la famille d'un des participants (étonnant non ?)
Puis on l'interrogeait sur l'avenir du monde, et plus souvent sur le nôtre, qui tournait en ce temps-là pour l'essentiel autour de nos histoires de cœur. Genre quelqu'un demandait à l'esprit de son Tonton Truc si Machin était amoureux de Chose ou de Machine, nonobstant le fait que le Tonton ne les connaissait ni d'Éve ni d'Adam (mais bon les morts sont supposés savoir tout du seul fait de leur mort) (faut bien qu'il y ait une compensation).
À vrai dire, nous savions tous (ou presque) que ces histoires d'esprits n'étaient que du vent, mais on avait bien envie de frissonner un moment au souffle de ce vent, pour le plaisir de se serrer les uns contre les autres dans le cercle magique. Et pour Machin de frôler sur la table la main de Chose, et de la sentir frémir aux réponses de Tonton Truc.
Les tables rondes de type plus universitaire auxquelles j'ai pu participer par la suite furent, curieusement, des expériences moins palpitantes ...
En tous cas, la tristesse de Victor lui a inspiré un de ses plus beaux poèmes, une stèle poignante de simplicité dédiée à sa fille chérie. Gageons que l'écrire a été pour ce deuil une consolation plus efficace que toutes ses expériences spirites.
Allez, après l'élévation vers l'au-delà, plongeons (indice) avec : sujet vu en profondeur (4 lettres).