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Le sol glissant d'une question théologique

Sur quoi porte exactement l'opposition enfin patente des deux hommes ? Quel en est l'enjeu ?

« Avec sa connaissance extraordinaire du sujet, Érasme a choisi pour ce duel, au lieu du terrain solide d'une conviction, le sol glissant d'une question théologique, sur lequel cet homme à la poigne de fer ne saurait le vaincre et où il se sait couvert par l'invisible protection des plus grands philosophes de tous les temps.

Le problème dont Érasme fait la base de cette polémique est celui de toute théologie : c'est l'éternelle question du libre arbitre. Pour Luther, qui a adopté la sévère doctrine augustinienne de la prédestination, l'homme demeure l'éternel prisonnier de Dieu. (...) il n'est point de bonnes actions, de repentir qui peuvent le racheter ni le délivrer des liens de la prédestination, il n'appartient qu'à la grâce divine de guider un homme dans le droit chemin. (…)

Érasme, l'humaniste, ne peut admettre une telle façon de voir, lui qui considère la raison humaine comme une force sacrée, comme un don de Dieu. Un fatalisme aussi rigide doit profondément choquer celui qui a la conviction inébranlable que non seulement l'individu, mais encore l'humanité tout entière pourrait, par l'éducation, s'élever sans cesse moralement. »

(Stefan Zweig. Érasme chap 9 Le grand débat)

 

Cette question du libre arbitre apparaît au premier abord assez vintage dans nos sociétés occidentales sécularisées.

Mais d'une part il suffit d'élargir un tant soit peu la perspective pour constater qu'elle reste posée dans les modes fondamentalistes des religions, qui minorent voire rejettent la raison humaine, la liberté personnelle de décision et d'action, bref continuent à faire de l'homme (de la femme surtout) l'éternel prisonnier de Dieu. Ou disons plus justement : de sa volonté supposée, dont les chefs religieux s'autoproclament interprètes exclusifs pour leur plus grand profit et pouvoir.

D'autre part on peut envisager la question sur un plan plus séculier, ce que tente de faire Zweig : « De nos jours nous traduirions ainsi cette conception (luthérienne) : notre destin est soumis à l'hérédité, à l'influence des astres, (rajoutons à celle des rapports sociaux), la volonté de l'individu est sans pouvoir tant que Dieu n'intervient pas. »

Par ailleurs Érasme s'emploie surtout à dépassionner le débat, à en relativiser l'enjeu, à chercher des formulations de compromis.

« Je me rallie à l'opinion de ceux qui accordent un certain crédit au libre arbitre et un plus grand à la grâce, mais il ne faut pas qu'en cherchant à éviter le Scylla de l'orgueil, nous soyons entraînés dans le Charybde du fatalisme ».

Si c'est pas ménager la chèvre et le chou, ça, hein ?

C'est que, argumente-t-il, pourquoi « mettre le monde en ébullition à cause de quelques paradoxes » ?

 

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