« Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu. » (Mtt 5, 8)
Autant le confesser tout de suite, la notion de pureté me gêne. Elle a été historiquement entachée de connotations surtout sexuelles, et qui plus est essentiellement à destination des femmes. Et continue à l'être en beaucoup de lieux, y compris jusqu'à l'abjection, l'infamie des crimes dits d'honneur.
Mais même son sens premier, matériel, de non-mélange, peut être dangereux. Isoler un corps pur en chimie, soit. Mais parler de pureté de sang, d'ethnie, de peuple, on sait où ça mène.
Bien au contraire : « On dit bien vrai qu'un honnête homme c'est un homme mêlé. » (Montaigne Essais III, 9 De la vanité)
Simplissime formulation d'un caractère essentiel de l'humanisme, que nous nommons aujourd'hui métissage, qu'il soit celui des corps, des cultures, des modes de vie.
Mais ici, me dira-t-on, la notion de pureté s'applique aux cœurs. On peut comprendre : les cœurs purs sont des gens « purement cœurs », donc tout entiers dans la miséricorde qui fait l'objet d'une autre béatitude (cf 3/9).
Mais alors du coup leur pureté de cœur, est-ce Dieu qu'elle leur fera voir, ou les autres êtres humains, particulièrement ceux qui sont dans le malheur ?
À moins que ce ne soit la même chose ?
Voilà qui amène à un autre texte évangélique qui pose cette question.
« Alors (le Fils de l'homme) dira (…) '' Venez les bénis de mon Père, recevez en partage le royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger et vous m'avez recueilli ; nu, et vous m'avez vêtu ; malade et vous m'avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi.
Alors les justes lui répondront : '' Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir (etc.) (…)
Et le roi leur répondra : '' En vérité je vous le déclare, chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait''. » (Mtt 25 , 31-40)
Il s'agit du texte dit du jugement dernier, qui présente ce « fils de l'homme » en gloire condamnant les injustes et accueillant les justes (cf le sens de justice la dernière fois).
La scène est un must de l'iconographie chrétienne : chapiteaux, portails, tableaux, parmi lesquels de magnifiques chefs d'œuvre.
Le titre de Fils de l'homme apparaît dans le livre de Daniel. C'est un livre à caractère apocalyptique, c'est à dire qui entend dévoiler le sens des événements. Comme dans l'Apocalypse de Jean, cela passe par des visions ou des songes.
« En l'an premier de Belshassar, roi de Babylone, Daniel vit un songe et les visions de son esprit sur sa couche. Alors il écrivit le songe. (…)
Je regardais dans les visions de la nuit, et voici qu'avec des nuées du ciel venait comme un Fils d'Homme (…) Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté : les gens de tous peuples, nations et langues le servaient. » (Daniel 7, versets 1,13,14)
Le texte évangélique reprend ce motif, mais dans un climat différent. Les justes ne servent pas le roi, mais participent de son règne. En prenant soin des hommes.