« XLVIII. La Lubricité (libido) est également Désir et Amour de s'accoupler aux corps. »
(Spinoza Éthique Partie 3. Définition des affects)
S'accoupler aux corps : mépris des corps, à tout le moins défiance ? On peut répondre clairement non. Au contraire Spinoza est aussi éloigné que possible du dualisme (platonicien ou autre), assorti de hiérarchisation, qui oppose corps et esprit.
« L'esprit est d'autant plus apte à percevoir adéquatement plus de choses que son corps a plus de choses en commun avec les autres corps. » (Éthique corollaire prop 39 partie 2)
De plus il faut noter que son concept de corps est très extensif, il s'agit de corps vivants, humains et animaux, mais aussi de toute forme de chose existante.
Si bien que l'esprit ne peut penser (être ce qu'il est) adéquatement qu'en se situant dans sa communauté, sa solidarité (au sens systémique) avec l'ensemble de l'existant dont il est une partie.
Puis, revenant sur ces différents affects « désir+amour », gourmandise, ivrognerie, avarice, et lubricité donc, Spinoza précise :
« ces affects, absolument parlant, ne concernent pas tant l'acte même de manger, de boire, etc., que l'Appétit et l'Amour même. On ne peut donc rien opposer à ces affects, sinon la Générosité et la Vaillance, dont nous parlerons dans la suite. »
Précision intéressante, qui montre bien où est le danger éthique : dans le dérèglement du désir. Et donc, il faut en peser la conséquence : ce n'est pas (en tous cas pas directement et pas seulement) la prescription ou l'interdiction de certains actes qui fait le bon comportement, qui donne un critère du bien ou du mal.
On fera (du) bien dans la mesure où le désir ne sera pas immodéré, autrement dit trouvera son adéquation avec la modestia caractérisant l'humanité. (cf 28)
Une humanité dont la mise en œuvre passe par ces deux concepts de Générosité et Vaillance.
C'est avec eux que je terminerai le parcours la prochaine fois.