Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Plus à penser mais à aller

« ''Quand je me suis trouvé dans ce compartiment de première, éclairé, chauffé, j'ai fermé la porte derrière moi et j'ai baissé tous les stores. Et alors, une fois assis, au milieu de l'extraordinaire silence qui m'accueillait soudain, je me suis senti délivré.

Délivré d'abord de tous ces jours haletants qui venaient de se passer, de cet effort pour dominer ma vie, de ces tumultes difficiles. Tout se taisait. Le wagon vibrait doucement. Et si j'entendais derrière les vitres les froissements de la nuit pluvieuse, je l'entendais encore comme un silence.

Pour quelques jours, je n'avais plus à penser mais à aller. J'étais prisonnier des horaires, des hôtels, d'une tâche humaine qui m'attendait. Je m'appartenais enfin, ne m'appartenant plus.

Et j'ai fermé les yeux avec délices sur cette paix que je sentais monter avec cet univers paisible qui venait de naître, sans tyrannie, sans amour et hors de moi. »

(Camus Carnets mars 1939)

 

On aura remarqué les guillemets ouverts et pas refermés : c'est probablement l'indice du projet d'utiliser ces lignes pour un personnage.

En tout cas, cette expérience de se sentir délivré d'une tension, tranquille dans une bulle qui tient à distance, non tant le monde que le souci de le penser, elle est très agréable en effet. Elle permet de reprendre souffle, de s'alléger. Même si l'on sait qu'elle ne peut être qu'une parenthèse entre deux séries de jours haletants et de tumultes difficiles.

 

Commentaires

  • Oh oui ! Comme Montaigne dit vrai à propos de notre moi fluctuant. Hier j'étais découragée et un peu crispée devant le volontarisme de Camus, aujourd'hui il m'encourage à "vaincre" - vous voyez ? De l'utilité des parenthèses.

Les commentaires sont fermés.