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Voilà ce qu'on assassine

« Mobilisation.

Le fils aîné s'en va. Il est assis devant sa mère et il dit : '' Ça ne sera rien.'' La mère ne dit rien. Elle a pris un journal qui traînait sur la table. Elle le plie en deux, puis en quatre, puis en huit. »

(Camus Carnets avril 1939)

 

« À la gare, la foule qui accompagne. Les hommes empilés dans les wagons. Une femme pleure. ''Mais jamais j'aurais cru qu'il serait comme ça, aussi mal.'' Une autre : ''C'est drôle qu'on coure comme ça pour mourir.'' Une fille pleure contre son fiancé, lui est grave. Il ne dit rien. Fumées, cris cahots. Le train s'en va. »

 

« Visages de femmes, joies du soleil et de l'eau, voilà ce qu'on assassine. Et si l'on n'accepte pas l'assassinat, alors il faudra tenir. Nous sommes en plein dans la contradiction. Toute l'époque étouffe et vit dans la contradiction jusqu'au cou, sans une larme qui délivre.

Non seulement il n'y a pas de solutions, mais encore il n'y a pas de problèmes. »

 

C'est sur ces images poignantes et ces mots d'une lucidité amère, cette conscience d'être désormais pris dans un engrenage, que se termine le deuxième des Carnets.

Nous verrons dans le carnet suivant les réflexions que lui inspire le début de cette guerre.

 

Commentaires

  • En vous lisant, je pense à cette nouvelle guerre qui vient d'être déclenchée au Proche-Orient et à toutes ces familles choquées, ces jeunes remobilisés.

  • En effet, celle-ci, et toutes les autres en cours. Et c'est totalement déprimant de voir que les mots que Camus écrit en 1939 ne sont pas périmés, ni ceux de Freud en 1915, cités plus loin. La violence et l'injustice ne cessent pas de s'imposer, et même, plus grave, de devenir la norme, d'être acceptées comme une fatalité.
    "Non seulement il n'y a pas de solutions, mais encore il n'y a pas de problèmes." Phrase vraiment terrible.

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