« Ce mot (de Tite-Live) que les habitants d'Asie étaient esclaves à un seul, pour ne savoir prononcer une seule syllabe, qui est Non, donna peut être la matière et l'occasion à La Boétie de sa « Servitude volontaire ».
Cette remarque de Montaigne, comme le livre de la Boétie, disent une chose pas toujours comprise : le non est une force avant tout constructrice.
L'essence du non n'est pas dans l'usage qu'on en fait la plupart du temps : le refus, l'interdiction, la contradiction, la polémique. Ce n'en sont que des accidents possibles.
Le but d'un non est d'arriver à un oui. Refuser la servitude volontaire, mais pour construire.
« Libre de quoi ? Peu importe à Zarathoustra. Mais que ton regard clairement m'annonce : libre pour quoi ? » rappelle Nietzsche.
Si l'on veut résolument dire non à l'inacceptable, et surtout rendre effectif ce rejet, cela suppose d'accepter de dire oui à ceux qui portent le même non, de s'allier avec eux, de co-opérer.
(Éventuellement de façon transitoire et sans renoncer aux débats ultérieurs bien sûr).
Le profil psychologique du passif-agressif se caractérise au contraire non par l'action, mais par la réaction. Il carbure au ressentiment.
Pour lui, les autres ne font jamais comme il faut : lui seul sait, sait faire … Sauf qu'il ne fait jamais. Il détruit, mais est incapable de construire, car incapable de l'humilité et du pragmatisme qui font avancer pas à pas.
Tels les chevaliers d'un film immortel des Monty Python, un passif-agressif ne sait dire que « Ni ». Un ni qui tue. Dans le film ça fait rire.
Mais pas quand le Nini d'un cavalier-seul à la grognonne figure peut amener au désastre.
Le réflexe conditionné de la négativité, paré du nom d'insoumission, ou puérilement associé, sous celui de dégagisme, à un jeu de chamboule-tout, cela produit quoi ?
Nietzsche nous l'a appris depuis longtemps : le nihilisme n'est pas révolutionnaire, il est juste mortel.
L'insoumission est à la liberté ce que le rictus est au sourire.
Vous souvient-il de l'épisode biblique du jugement de Salomon (1er livre des Rois chap 3 v.16-28) ?
Deux femmes se disputent le même enfant. Au départ chacune avait le sien, mais l'un des deux est mort. Salomon dit : coupez l'enfant en deux, chacune sa part et basta.
L'envieuse, qui veut juste que l'autre n'ait pas ce qu'elle n'a pas, n'a plus (car l'enfant mort est le sien en fait) n'y voit pas d'inconvénient.
Mais l'autre dit : donnez l'enfant à cette femme, qu'il vive !