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  • Staël l'impartiale (2/14) La quadrature de l'agora

    Régir les passions de l'ordre politique avec les mêmes principes d'analyse et d'éthique que dans l'ordre individuel, très bien en théorie. Mais en pratique ?

    « Une grande différence existe entre le système du bonheur de l'individu et celui du bonheur des nations :

    c'est que, dans le premier, on peut avoir pour but l'indépendance morale la plus parfaite, c'est à dire l'asservissement de toutes les passions, chaque homme pouvant tout tenter sur lui-même ;

    mais que, dans le second, la liberté politique doit toujours être calculée d'après l'existence positive et indestructible d'une certaine quantité d'êtres passionnés, faisant partie du peuple qui doit être gouverné. »

    (G de Staël De l'influence des passions sur le bonheur des individus et des nations Introduction)

     

    L'indépendance morale la plus parfaite, c'est à dire l'asservissement de toutes les passions : formule frappante autant que spinoziste du combat éthique*.

    Quant à chaque homme pouvant tout tenter sur lui-même pour maîtriser ses passions : optimiste, non ? Quoique : tenter, dit-elle. Obligation de moyens, pas de résultats ...

     

    Le défi démocratique, la quadrature de l'agora, est de construire du commun, de la république, à partir de l'hétérogénéité des situations, caractères, valeurs de chaque individu. Point décisif donc que le rapport des enjeux individuels à la totalité (cf Rousseau que sa compatriote genevoise a beaucoup lu)**.

    Seulement il faut compter avec une certaine quantité d'êtres passionnés, en risque donc d'être dé-raisonnables, plus prompts à prendre leurs désirs pour des réalités qu'à admettre la réalité telle qu'elle est, étape nécessaire pour la transformer. Et en risque d'être ir-rationnels, incapables d'apprécier le ratio gain/perte d'une situation.

     

    Or la démocratie est aussi logiquement soumise à la loi des grands nombres que disons par exemple au hasard une épidémie.

    Et du coup le gros hic démocratique serait que la quantité de passionnés-irrationnels (disons crûment de cons***) ne devienne carrément une masse critique.

    Ce qui pourrait se produire si sait-on jamais le règne abêtissant, débilitant, des passions, des pulsions dans leur puissance d'immédiateté, (au détriment des médiations rationnelles et temporelles) disposait de moyens de diffusion à grande échelle.

    Mais je ne vois pas ce qui me fait dire ça ...

     

    *cf titres des parties 4 et 5 d'Éthique. De la servitude humaine, autrement dit de la force des affects. De la puissance de l'intellect, autrement dit de la liberté humaine.

    Je n'ai pas vu d'allusion à Spinoza dans ses écrits (bon j'ai pas tout lu non plus). Mais en tout cas les grands esprits se rencontrent en justesse et justice.

    **Elle a publié Lettres sur les écrits et le caractère de JJ Rousseau (1788)

    ***cf Maxime Rovère (spinoziste revendiqué, lui) « Que faire des cons ? (pour ne pas en rester un soi-même) » Flammarion 2019