« n°250 : Culpabilité.
Quoique les juges de sorcières les plus pénétrants, et jusqu'aux sorcières elles-mêmes fussent convaincus de caractère coupable de la sorcellerie, il n'y avait cependant pas de culpabilité. Ainsi en va-t-il de toute culpabilité. »
(Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Troisième livre)
La dernière phrase semble aller un peu vite en besogne. Les sorcières OK mais des gens vraiment coupables ça existe, non ? (dira à juste le titre le lecteur).
Je suis d'accord, lecteur. Mais cette déclaration ambiguë s'éclaire peut être un peu dans les numéros suivants.
« n°251 : Incompris dans leur souffrance.
Les natures d'excellence souffrent autrement que leurs admirateurs ne se l'imaginent : ce dont elles souffrent le plus durement, ce sont les bouillonnements sans noblesse et mesquins de maints mauvais instants, bref, leur doute au sujet de leur propre excellence – mais non pas les sacrifices et les martyres que leur tâche exige d'eux. Tant que Prométhée a pitié des hommes et qu'il se sacrifie pour eux, il est heureux et grand en soi ; mais quand il devient envieux à l'égard de Zeus et des hommages que lui offrent les mortels, – alors il souffre ! »
Ressentiment, jalousie, comparaison contre acquiescentia in se. Ambition, gloriole et vanité contre vraie noblesse.
Telle est la ligne de partage que Nietzsche a discernée, analysée, hors de lui et en lui. Et devant cette frontière intime, il s'est efforcé de se situer dans le « bon » camp, de l'autre côté de l'envie et de la mesquinerie.
« n°252 : Plutôt débiteur.
''Plutôt demeurer débiteur que payer d'une monnaie qui ne porte pas son effigie !'' – ainsi le veut notre souveraineté. »
Après la noblesse, l'authenticité. Une éthique qui ne soit pas du toc. Payer de sa personne plutôt qu'en monnaie de singe.
La notion de dette fait écho à celle de la culpabilité et du dévoiement de soi.
Un rapprochement induit par la langue allemande, qui désigne du même mot (Schuld) les deux notions.