« Pierre.
Substance communément utilisée comme matériau pour le cœur qui se compose de 98% de silice, 0,25% d'oxyde de fer, 0,25% d'alumine et 1,5% d'eau. Lorsqu'on fabrique un cœur de rédacteur en chef, il n'est pas rare qu'on oublie l'eau ; en revanche on en rajoute dans un cœur d'avocat … puis on la gèle. »
(Ambrose Bierce Le dictionnaire du diable)
Le genre de définition dont la dernière phrase appelle inévitablement sa transposition dans l'expérience de chacun.
« Plaisir.
Émotion suscitée par une chose favorable pour soi et funeste pour les autres. Au pluriel, le mot évoque ces artificiels remèdes à la mélancolie qui accentuent encore la tristesse ordinaire de la vie, jusqu'à l'abattement. »
Si la première phrase joue la provocation, dans la seconde Bierce le dépressif se livre avec sincérité. C'est très juste : que de prétendus plaisirs, de prétendues fêtes, de prétendus divertissements ne sont en fait pour beaucoup que de pathétiques tentatives de (se) cacher leur état de mélancolie.
« Plat.
Un objet absurde qui contient de la nourriture sans la manger. »
Et bel humour absurde.
« Pluriels.
Les ennuis. »
Voir plaisir et son pluriel.
« Politesse.
S'excuser de se trouver sur le chemin d'une personne qui vous transperce d'une balle destinée à quelqu'un d'autre. »
Sans aller jusque là, je me surprends régulièrement à dire « pardon » à la personne qui me bouscule (qui elle ne songe pas un instant à s'excuser).
« Précision.
Qualité sans intérêt, soigneusement exclue des assertions humaines. »
Les résasociaux, friands de rumeurs buzzigènes et des fameuses autant qu'oxymoriques ''vérités alternatives'', illustrent la tragique justesse de cette définition. Pas étonnant, vu qu'ils fonctionnent précisément à l'intérêt (j'entends le fric bien sûr quoi d'autre).
Est-ce plus étonnant, en tous cas c'est plus déprimant : la qualité de précision est de même souvent exclue des propos politiques.
Et pire, désolation des désolations, de certains propos se prétendant scientifiques.