Pour continuer sa recherche, Freud revient sur les conclusions de l'analyse de son rêve "de la table d'hôte" (cf 4).
« Ce qui dans le rêve était amplement et nettement mis en place comme étant le contenu essentiel doit après l'analyse se satisfaire d'un rôle extrêmement subalterne parmi les pensées du rêve, et ce qui après l'énoncé de mes sentiments revendique parmi le pensées du rêve la plus grande attention voit son matériau imaginaire ou bien ne pas du tout se trouver dans le contenu onirique ou bien n'avoir de représentant que dans une allusion lointaine au milieu d'une région insignifiante du rêve. »
(Sigmund Freud Sur le rêve chap 5)
Autrement dit l'affect, la pensée, l'image, à la source du rêve (le contenu latent à retrouver par l'analyse) sont comme filtrés pour en modifier la couleur, l'intensité, dans le contenu apparent (le récit qui est fait du rêve). Il nomme ce processus déplacement onirique, puisqu'il a pour effet de transférer les accents de certains éléments sur d'autres.
« Je pourrais désigner ce que j'ai appelé déplacement onirique sous le nom de réévaluation des valeurs psychiques.*(...)
L'impression à laquelle échoit le rôle de déclencheur du rêve peut (prolonger) les préoccupations majeures de l'existence vigile.(...)
(Mais souvent) le contenu onirique semble, y compris quand il est cohérent et compréhensible, s'occuper de broutilles (…) Une bonne part du mépris où le rêve est tenu découle de cette préférence pour ce qui dans le contenu du rêve est nul et sans intérêt. »
Mais bien sûr ce jugement est modifié par le travail d'analyse qui « met régulièrement en évidence l'épisode vécu important, et à juste titre excitant, qui se remplace (s'est remplacé dans le contenu apparent) par l'épisode indifférent avec lequel il est entré dans des liens associatifs abondants. »
Freud note encore « un curieux processus qui se produit dans la formation du rêve, et dans lequel condensation et déplacement coopèrent à l'effet produit. »
Il nomme cela une formation de compromis.**
Bref tout se passe comme si le rêve ne pouvait présenter de pensées que déguisées. Ça cache forcément quelque chose, se dit Freud.
Si bien que « De façon plus pressante encore que dans la condensation, le besoin s'exprime (…) de découvrir ce qui motive tous ces efforts énigmatiques déployés par le travail du rêve. »
*Probable allusion à Nietzsche qui emploie l'expression à propos de valeurs morales. (Ce qui est logique puisque la question morale intervient on le verra dans le travail psychique de formation du rêve).
**Il prend un exemple dans son célèbre rêve dit « de l'injection à Irma » (cf Traumdeutung chap 2) où propylène sert de compromis entre amylène et Propylées. Un compromis qui se révélera plein d'informations sur le fonctionnement du rêve, et tout autant sur la psyché de Freud (comme le montre Lacan dans sa sorte d'analyse au carré du rêve de Freud cf son séminaire II sur le Moi).