« Je suis parvenu à de nouvelles lumières sur le rêve en lui appliquant une nouvelle méthode qui m'avait rendu d'excellents services pour résoudre les phobies, les idées obsessionnelles, délirantes, etc., et qui depuis sous le nom de ''psychanalyse'' a trouvé un accueil auprès de toute une école de chercheurs. (…)
Les angoisses et les idées obsessionnelles ont le même rapport d'étrangeté à la conscience normale que les rêves à la conscience vigile. »
(Sigmund Freud Sur le rêve chap 2)
C'est dans ce rapport d'étrangeté qu'il décèle l'affleurement d'un autre mode de vie psychique, comme on peut déceler, à quelques fils différents sur la trame d'un tissu, son envers. Il nommera cet envers inconscient, in-su (Unbewüsst).
C'est donc sur ce rapport d'étrangeté, qui seul rend décelable l'inconscient, que doit porter l'investigation. Il se repère dans le rêve, dans les maladies mentales ou les simples dysfonctionnements névrotiques, et même dans la vie quotidienne.*
« Ce procédé (d'investigation) est facile à décrire, quand bien même son exploitation requiert sans doute une initiation et de l'entraînement. (…)
Par exemple à un malade souffrant d'angoisses, on enjoint de diriger son attention sur l'idée concernée, mais pas, comme il l'a fait si souvent, à y réfléchir, à rassembler au contraire sans exception dans son esprit et à communiquer au médecin tout ce qui lui passe par la tête à son propos. »
La difficulté consiste à passer outre la « critique qui (exclut) toutes ces idées spontanées de la communication et même de la prise de conscience. » Une critique qui présente un volet intellectuel (c'est stupide, absurde, sans importance etc.) et/ou un volet moral (c'est moche, agressif, obscène etc.).
« Quand on peut inciter la personne concernée à renoncer à ce genre de critique à l'égard des idées qui lui viennent et à continuer de filer les séries de pensées qui résultent d'une attention soutenue, on recueille alors un matériau psychique qui se raccorde bientôt nettement à l'idée pathologique prise comme sujet, qui met à nu les liens avec d'autres idées, et permet en avançant plus loin de remplacer l'idée pathologique par une idée nouvelle qui s'insère de manière intelligible dans le contexte psychique. »
Il s'agit donc d'appliquer cette méthode à l'analyse du rêve. En guise d'exemple « certains motifs m'incitent à choisir un de mes propres rêves, qui m'apparaît opaque et absurde dans mon souvenir et qui présente l'avantage de la brièveté. Peut être le rêve de cette nuit suffira-t-il à ces requêtes. »
Voilà un rêve de cette nuit qui tombe bien ... Mais bon on n'est pas là pour faire l'analyse sauvage de Freud, les certains motifs du choix de cet exemple le regardent. Nous tout ce qu'on veut c'est avoir des infos sur sa méthode d'interprétation.
Commençons par le texte du rêve :
« Un repas en société, on est assis, table ordinaire ou 'table d'hôte' … On mange des épinards … Madame E.L. est assise à côté de moi, se tourne entièrement de mon côté et pose familièrement la main sur mon genou. J'écarte la main d'un geste dissuasif. Elle me dit alors : mais vous avez toujours eu de si beaux yeux … Je vois ensuite indistinctement quelque chose comme deux yeux qui seraient dessinés ou comme le contour d'un verre de lunette. »
*En même temps que la rédaction de Sur le rêve, il entreprend Psychopathologie de la vie quotidienne, qui étudie les actes manqués, lapsus etc., occurrences banales de l'étrangeté dans le normal.