« Il y a une fatalité unique qui est la mort et en dehors de quoi il n'y a plus de fatalité. Dans l'espace de temps qui va de la naissance à la mort, rien n'est fixé : on peut tout changer et même arrêter la guerre et même maintenir la paix, si on le veut assez, beaucoup et longtemps. »
(Camus Carnets septembre 39)
Soulignons, on en a besoin : si on le veut assez, beaucoup et longtemps.
On voit ici Camus, après l'intense écoeurement qui l'a saisi en ce début de guerre, se ressaisir grâce à ses convictions existentialistes. On le voit faire appel au volontarisme contre la fatalité. Et aussi contre ses sentiments spontanés :
« Règle : chercher d'abord ce qu'il y a de valable dans chaque homme. »
Ce qu'il y a de valable dans chaque homme. Je souligne encore l'emploi du mot homme*, en le mettant en regard d'une phrase dans les citations de la dernière fois : Cette haine et cette violence qu'on sent déjà monter chez les êtres.
J'ai un peu l'impression que quand il accuse les défauts, il hésite à parler d'hommes. D'où cet emploi, rare chez lui, du mot être : histoire de diluer la responsabilité. Mais si un humain se ressaisit, qu'on puisse trouver chez lui du valable, alors il mérite à nouveau qu'on dise de lui : c'est un homme.
Je suis féministe convaincue certes, mais pas du genre à dénigrer pour autant tous les hommes. Cependant je dois dire que je suis agacée, chez Camus, par l'impensé sur ce point du rapport des genres, son manque de recul sur un phallocentrisme tranquille.
Bon question d'époque bien sûr, et aussi de formation philosophique au contact des philosophes grecs, pour qui la pensée, l'honneur, la dignité c'est un truc de mec …
... Sauf que : les guerres qu'il y a sur le feu, ce sont des hommes ou des femmes qui les ont initiées ? Je dis ça je dis rien.
En conclusion : la haine et la violence, les femmes n'y échappent pas certes, mais souligner ce qu'il y a de valable dans chaque homme, ça vaut aussi pour chaque femme.
*Voir 16 septembre : ce que valent les philosophes