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  • Debout au milieu

    « In medio stat virtus »

     

    = c'est au milieu que se trouve la vertu.

     

    Cette phrase conteste les conceptions et comportements extrêmes, prône la recherche d'un juste milieu.

    Incite-t-elle pour autant à adopter une opinion et un comportement moyens, à se cantonner dans la médiocrité intellectuelle et éthique ?

    Je crois le contraire.

    Ne pas se laisser enrôler par les extrêmes, se méfier des positions rigides et tranchées, refuser les appartenances exclusives, n'est pas comme on pourrait croire signe de mollassitude.

    Le mot vertu peut être mal compris. Son sens moderne a été affadi, pour ne pas dire gnagnanisé (souvent pour la plus grande gloire du sexisme, comme quand on parlait de femme de petite vertu) (pas trop grande non plus celle du mec qui achète ses charmes, non ?)

    La vertu comprise en ce sens est au fond de l'ordre de l'abstention. Elle consiste à s'abstenir, se préserver du mal (ne nous laisse pas succomber à la tentation dit la prière chrétienne).

    Mais souvenons-nous que virtus veut d'abord dire force, courage. (C'est censé être la qualité du vir, de l'homme) (amis du sexisme, rebonjour) (qu'est-ce qu'on rigole, hein les filles?)

    Force, courage : en effet. Surtout en temps de surenchère à l'extrémisme.

    S'efforcer de se tenir au milieu n'est pas se planquer en terrain neutre. On risque au contraire de se trouver au cœur de la bataille, pris entre deux feux (ou plus), cerné d'excités de tous bords, de cons de toutes obédiences.

    Le difficile alors est de ne pas se rallier à l'un des camp extrêmes, par peur, paresse, conformisme, aliénation.

    Ne pas renoncer à se tenir au milieu implique de savoir que la vérité est subtile et complexe, certainement pas en tout ou rien.

    Assumer la place exposée du milieu, implique de croire dur comme fer dans la vertu des médiations et des médiateurs.

     

     

     

     

     

     

  • Une autre paire de manches

     

    « Sutor ne supra crepidam »

     

    = Cordonnier pas plus haut que la chaussure.

    Paroles du peintre Apelle à un cordonnier, qui après avoir donné son avis sur la sandale d'un tableau, voulut aussi juger du reste (Histoire naturelle de Pline 35-36), dit ma page rose qui a l'air bien renseignée.

    Elle explique que la phrase moque l'erreur et le ridicule qui consistent à se croire (ou se faire croire) capable de la même expertise dans son domaine de compétence et en dehors.

    (Bon oui d'accord ça mange pas de pain, elle dit ça elle dit rien).

    Je remarquerais plutôt qu'Apelle n'était pas très ouvert d'esprit, si vous voulez mon avis. Ou alors il était vexé parce que le cordonnier avait pas trop liké sa sandale.

    (Mais vous croyez que lui, en récupérant la sandale donnée à ressemeler, se gênait pour balancer remarques et récriminations ?)

    (Je dis pas qu'il avait tort, faut pas se laisser arnaquer non plus).

    La vraie question est : pourquoi que le cordonnier il pourrait pas avoir un jugement proprement artistique, hein ? Y aurait pas du mépris de classe dans l'air par hasard ?

    Ça me rappelle un sketch tout à fait malin de Jean Yanne où l'on voit deux chauffeurs routiers de caricature (gros bras, marcel, causant argot) échanger en cours de route leurs impressions sur la musique qu'ils écoutent.

    « Tu trouves pas, Bébert, que dans cette sonate Beethoven était encore vachement sous l'influence de Mozart ? »

    On rigole, et puis on se dit : mais oui pourquoi pas des routiers mélomanes ?

    Des éboueurs philosophes, des cantonniers mathématiciens ?

    En fait, n'en déplaise à Apelle, le domaine artistique est sans doute le plus accessible à tous. Avec philosophie et politique bien sûr, domaines exigeant fort peu d'aptitudes comme cela n'est plus à démontrer.

    Mais quand il s'agit de technique, de concret, l'intelligence et la sensibilité (ou même le bluff) ne suppléent pas aussi facilement au manque de formation.

    Exemple au hasard moi : pour tchatcher n'importe quoi sur n'importe quoi (genre oral de l'ENA pour les nuls), je me débrouille toujours.

    Mais si j'ai besoin de travaux de plomberie ou d'électricité, là j'en suis réduite à me dire comme Socrate « je sais pas grand chose et en plus c'est que de l'inutile. »

     

    Bon enfin le truc qui console c'est qu'il paraît que les cordonniers sont les plus mal chaussés.

     

     

  • Lekh haïm

    « Carpent tua poma nepotes »

     

    Jusqu'à un certain moment de sa vie, on trace son sillon, on plante ses choux et ses roses, on greffe ses arbres fruitiers, sans que nous effleure le doute : il y aura un temps pour récolter, moissonner, vendanger, cueillir.

    Une absence de doute irréaliste mais pas tout à fait absurde.

    Jusqu'à un certain moment de sa vie, on se sait mortel, mais d'un savoir qui reste abstrait. Et c'est heureux.

    Et puis on vieillit et on se dit : à quoi bon planter encore un arbre, de toute façon je ne le verrai pas pousser.

    Fais-le quand même, répond Virgile, tes petits enfants cueilleront les fruits.

    (Au passage j'ai envie de lui faire remarquer, à Virgile, qu'il est plus facile de trouver l'envie et l'énergie de planter, bêcher, arroser, tout ça, quand on est soutenu par le mécénat de Mécène)

    (mais bon je dis ça je dis rien).

     

    Tes petits enfants cueilleront les fruits

     

    À condition toutefois que les fruits de l'arbre vieillissant et vermoulu que tu es devenu ne soient pas immangeables. Pour cause de fadeur, d'amertume, de blétitude

    (oui je sais blétitude n'existe pas mais rime trop bien avec lassitude) (et décrépitude).

    À condition aussi qu'ils aient les mêmes goûts que toi (très très aléatoire).

    À condition avant tout que la vie t'en ait donné, des petits-enfants.

    Tu as cette chance. Ils sont là, poussent peu à peu leurs branches, déplient leurs premières feuilles.

    Et tu te dis l'important ce sont leurs fruits à eux. Ceux qu'ils donneront plus tard sans doute, ceux qu'ils donnent déjà, en joie, en lumière.

    L'important ce sont les fruits qu'ils sont.

     

    Alors finalement côté cueillette, le meilleur truc pour être sûr de pas se planter, oui c'est ça (le lecteur l'a vu venir) :

    Carpe diem 

    (comme disait un collègue à Virgile).