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  • "Ses ailes de géant ..."

    « Aquila non capit muscas »

     

    L'aigle n'attrape pas les mouches. Un proverbe qu'on peut comprendre de deux façons.

    1) L'aigle n'attrape pas les mouches parce que ce ne serait pas adapté à son standing de grand rapace, surtout s'il s'agit d'un aigle royal. Il ne va quand même pas s'abaisser jusque là, y a pas écrit colibri.

    Les mouches, les vers de terre tout ça, il laisse aux poules et canards, à la basse cour. Lui il est de la haute. Et il peut tout toiser de son œil d'aigle depuis son nid d'aigle, là-haut sur la montagne.

    2) L'aigle n'attrape pas les mouches parce que ça lui est impossible, il n'est tout simplement pas équipé pour. Comment coincer une mouche, même une grosse verte (beurk), entre ses serres d'aigle ?

    Un agneau, un mulot, une marmotte, voilà ça c'est dans ses cordes, mais les mouches comment dire ça passerait entre les trous de la passoire.

    (Ce qui prouve au passage la stupidité du proverbe qui peut le plus peut le moins) (ou alors faut redéfinir plus et moins autrement que quantitativement) (ce qui serait absurde, une contradictio in terminis) (non?)

     

    La première option me ramène à Zarathoustra (encore ?) (ben oui) (je devrais peut être contacter les zarathoustristes anonymes).

    Ce n'est pas ta destinée d'être un chasse-mouches.

    Ni chasse-mouches ni gobe-mouches. Cultiver la placidité de la vache, le mépris hautain du chameau. Négliger de garder un chien de sa chienne à qui vous fait un tour de cochon.

    (Quoique. À la limite araignée je dis pas) (voir les mouches s'empêtrer toutes seules dans la toile) (eh eh).

     

    La deuxième option est juste un constat réaliste, une observation objective.

    Chacun choisira selon son tempérament.

    Le mien me porte à voir si on ne pourrait pas dénicher un truc pour articuler les deux. Qui peut le plus peut le moins est une proposition absurde, disais-je.

    Ce que dit Zarathoustra, lui, avec cette histoire de chasse-mouches, c'est qu'il faut être médiocre soi-même (ou simplement moyen, dans la norme) pour savoir se défendre des médiocres/moyens. Or être ainsi n'est pas si facile, y en a qui sont pas équipés pour.

    Qui sait si l'on ne devient pas aigle faute d'être mouche ?

     

     

     

  • Perles perdues

     

    « Margaritas ante porcos »

    = (ne pas jeter) des perles aux porcs

     

    La nuit tombe, et Lucette est seule dans l'omnibus.

    Seule, triste, lasse. Ses pensées sont moroses, grises comme les banlieues qu'elle traverse.

    Il lui disait, son Ulysse, qu'elle était sa sirène, sa Circé, sa Calypso. Elle l'a cru. Elle savait pourtant qu'elle aurait dû se méfier, qu'il ne fallait pas le croire sur parole.

    C'était qu'un charmeur, un enjôleur, un malin. Lui quoque, sicut les autres.

    Mais ouvre donc oculos tuos, disaient ses amies, tu vois bien qu'il te mène en bateau. T'as pas eu assez de déboires ? Sois lucide, Lucette, tu es en train d'aller de Charybde en Scylla. Tu crois vraiment qu'il t'aime ?

    Mais elle persistait. Oui credo, répondait-elle, contre vents et marées je le crois.

    C'est trop beau pour être vrai, c'est absurde, mais je crois que c'est pour ça que je le crois. Credo quia absurdum.

    Et elle lui a tout donné, Lucette, à son Ulysse. Tout le trésor de son cœur, ses pierres précieuses, ses diamants, ses perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas.

    Enfin un jour elle s'est rendue à l'évidence. Il n'avait fait que profiter de sa naïveté, sa soif d'amour. Alors maintenant elle a envie de balancer, Lucette : cet homme n'était pas un héros, mais un salaud, un porc.

    Toutes ses perles perdues pour ce porc.

    Sa sirène, tu parles …

    La vérité, c'est que son histoire d'amour desinit in piscem, s'est bêtement terminée en queue de poisson.

    Alors à présent les diamants brillent dans ses yeux, à Lucette, les perles pleuvent de ses paupières.

    Et pourtant elle avait droit au bonheur, elle aussi.

    Car le soleil brille pour tout le monde. Sol lucet omnibus. 

     

    Mais là c'est la nuit, et Lucette est seule dans l'omnibus.

     

     

  • La niche et la cave

    « Cave canem »

     

    Attention au chien.

    Les Romains avaient comme nous des animaux domestiques, et pour des raisons semblables, tenir compagnie et surveiller les propriétés privées.

    Ils eurent aussi des animaux plus exotiques à vocation d'utilité publique. Animaux sauvages qui se taillaient la part du lion sur le dos des gladiateurs : c'était le programme panem et circenses, promu par sénateurs et empereurs.

    On regardait tout ce petit monde s'entre-déchiqueter le week-end en famille.

    Ces spectacles riches en hémoglobine remplissaient à merveille leur double office à l'égard de la plèbe.

    Primo flatter l'orgueil du civis romanus.

    Les animaux exotiques rappelaient la domination de l'Urbs sur ses provinces lointaines. Et puis le Romain (fût-il d'en bas) dominait depuis les gradins le gladiateur, étranger ou esclave (et disposait en bonus du droit de voter pour sa mort ou sa survie).

    Secundo détourner son regard des questions politiques et des injustices en le gavant de divertissements aussi abrutissants que possible.

    Et en plus les places n'étaient pas chères et souvent gratuites : bref que du bonheur.

    Comme quoi nihil nove sub sole, belle maîtrise déjà à l'époque des ressorts du populisme : discours nationaliste et aliénation.

    Mais revenons à nos (autres) moutons, j'entends les chiens de la phrase de départ. Cavere signifie faire attention aux deux sens. Faire gaffe et prendre soin.

    L'écriteau cave canem peut ainsi avoir deux effets contraires sur le passant : l'inciter au détour prudent, ou inversement à la caresse du toutou.

    En ce qui me concerne, cave canem suscite en réflexe pavlovien la récitation du mantra sancta Phobia ora pro nobis.

    Et comme la phobie repose sur l'angoisse d'incertitude, cave canem implique ensuite la question : où donc qu'ils sont ces foutus toutous ?

    Pour les chiens de garde on sait : à la niche. Mais il y en a d'autres.

    « Tes chiens sauvages veulent être libres, ils en aboient d'envie dans leur cave quand ton esprit se propose d'ouvrir toutes les prisons. »

    Ainsi parlait Zarathoustra (De l'arbre sur la montagne)

     

    Conclusion le latin n'a pas besoin de traduction, cave canem est bien une histoire de chien dans la cave.