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  • Autrement (4/7)

    Maintenant de deux choses l'une. Ou bien on en reste au constat anthropologique style « Ça marchait déjà, ça marche encore, c'est comme ça la vie faut croire ».

    Ou bien on se dit  « Ouais ça marche si on veut mais c'est pas cool cool, non ? On pourrait pas faire autrement ? »

    Ça me rappelle une histoire bien connue.

    L'histoire d'un mec appelons-le Grosmalin. Il part en randonnée. Le terrain est assez accidenté et Groma fait pas gaffe où il met les pieds, il pense à autre chose. Ou peut être à rien.

    Bref ce qui doit arriver arrive. À un moment le sol se dérobe brusquement : y avait une crevasse, un aven, une fondrière, un trou quoi. Un trou que Groma a pas vu résultat il commence à glisser au fond du. Mais comme il a un minimum de conatus bien qu'il ne soit pas spinoziste pour un sou il se raccroche à un buisson.

    Et voilà Groma suspendu au-dessus du vide. Le buisson va pas tenir très longtemps. Groma se met donc à appeler, ohé y a-t-y quelqu'un qui m'aime ici ce soir ? Pas de réponse. Une fois, deux fois. Rien.

    Enfin au troisième appel (oui c'est comme ça dans ce genre d'histoires on fait les trucs trois fois c'est dans le cahier des charges apparemment) Grosmalin entend une voix.

    - Y a-t-y quelqu'un qui m'aime ici ce soir ?

    - Oui je suis là.

    - Ah ouf. Voyez le buisson ? Je suis au bout.

    - Et à bout aussi je suppose ?

    - Euh oui mais bon vous pouvez m'aider siouplé ?

    - Yes I can.

    - M'aider maintenant je veux dire ! Genre en me tendant la main ou un alpenstock ou un bout de corde accroché à un mousqueton. Vous saisissez le concept ?

    - Pas besoin de ça avec moi. Vas-y, lâche le buisson, et t'en fais pas « J'ai donné ordre à mes anges qu'ils te portent sur leurs ailes. »

    Et là Grosmalin dit « Y a pas quelqu'un d'autre ? »

     

    Quelles réflexions peut susciter en nous cet apologue (en dehors du fait qu'il a été magistralement narré) ?

     

     

     

     

     

     

     

  • N'importe quoi (3/7)

    Revoyons le tableau final de la crise. Un mort tout à coup, c'est à dire après toute l'agitation les cris les râles tout à coup l'immobilité et le silence.

    Alors ça fait comment dire électrochoc. On s'arrête, on fait cercle autour de la victime.

    On se regarde. Tout le monde en a bien pris plein la gueule, ça saigne, ça se démantibule des rotules et des mandibules, ça grattouille ou ça chatouille.

    Conclusion s'il n'a pas le crâne en morceaux et la matière grise qui part à vau l'eau, chacun se met à tirer quelques inférences logiques :

    1) heureusement que c'est pas tombé sur moi

    2) Machin (le mort) on lui doit une fière chandelle finalement sans lui ouskon serait allé va savoir ?

    « Au même endroit, on serait tous morts tu veux que je te dise. De proche en proche, contagion de la violence mon vieux.

    - Mais alors Machin il nous a sauvés !!

    - Grave ! C'était le meilleur d'entre nous si ça se trouve …

    - Bon ben qu'est-ce qu'on fait on le divinise un peu histoire de marquer le coup ? Et on note dans l'agenda de se refaire la fiesta l'année prochaine, mais en choisissant la victime d'abord, c'est plus sûr.

    - Oui mais comment qu'on la choisit ? »

     

    Finalement ces braves gens en arrivent à la conclusion qu'il faut que la victime rituelle-arbitraire primo soit identifiable comme membre de la communauté.

    Qu'elle puisse dire si je voulais je pourrais présenter ma candidature à un rôle de votre superproduction, car sans me vanter je suis sur les listes de casting.

    Mais deuzio qu'elle ne soit pas déjà centrale dans la communauté.

    Qu'elle n'ait pas déjà occupé un rôle de premier plan ni été nominated pour la Massue de la meilleure interprétation lors du dernier FER (Festival Éclate et Rites).

    Conclusion le mieux est de la choisir « dans les catégories marginales de la société : esclaves, enfants, bétail. »

    1) Les femmes on n'en cause même pas, tellement ça va sans dire.

    2) Rien de nouveau sous le soleil. Dans les sociétés archaïques comme dans les nôtres l'histoire ne s'écrit du point du vue ni des bœufs ni des bébés ni des immigrés avec ou sans papiers et/ou contrat de travail, rémunérés au lance-pierre.

    3) Dans les sociétés archaïques je sais pas mais dans les nôtres ça paraît « naturel » aux théoriciens anthropologues (entre autres). Étonnant non ?

    Car résumons.

    Pour assurer la cohésion sociale on ritualise l'élimination d'un marginal, en clair on structure la société autour de la discrimination.

    Et pour prétendument évacuer la violence de la société, le principe sacrificiel lui donne la place la plus éminente qui soit, en sacralisant l'événement violent, en lui conférant un statut de nécessité transcendante.

     

     

  • N'importe qui (2/7)

    L'intérêt du religieux repose donc d'après Girard sur sa vertu prophylactique à l'égard de la violence. Prophylaxie mise en œuvre sous une forme vaccinale. Car la violence ça vous gagne. C'est comme ça c'est plus fort que toi.

    Et qu'est-ce qu'on fait quand on sait ne pas avoir le dessus ? On se garde bien d'affronter, on contourne, on ruse. On cherche à prévenir plutôt que guérir. Dans le genre, le sacrifice serait d'un bon rapport qualité prix.

    Jusqu'ici on se dit pourquoi pas. S'il faut en passer par là. À condition de pas être la victime soi-même ça va sans dire. Ah c'est un premier hic. Jusqu'où on ira pour ne pas être la victime ?

    Girard ignore la question. Un peu comme si on laissait de côté les conditions de signature dans les philosophies du contrat. Sauf que tant qu'on ne s'y collette pas, on n'entre pas dans le dur.

    Mais pour lui les choses sont simples « Tous les acteurs jouent le même rôle, sauf la victime émissaire bien entendu, mais n'importe qui peut jouer le rôle de la victime émissaire. »

    « Bien entendu ». Voulez mon avis ? Pas sûr que la victime elle ait si bien entendu que ça, qu'elle ait été d'accord à fond. « N'importe qui peut jouer le rôle » OK mais si on étudie un peu le scénario pas sûr que ça se bouscule au casting.

    Non je suis un tantinet de mauvaise foi. Le scénario n'était pas écrit. Quand le premier meurtre arrive, c'est au terme d'une crise de violence réciproque style village d'Astérix en moins bon enfant.

    Plan large : feu de l'action, tout le monde tabasse tout le monde avec ce qui lui tombe sous la main, mêlée générale (beaucoup de figurants défigurés peu à peu). Or voici que le hasard se pointe inopinément dans un coin du cadre. La caméra le suit l'air de rien.

    Puis tout à coup zoom avant. On voit qu'il s'est fait happer par la mêlée. Il se démène comme un beau diable pour essayer d'en sortir pendant le zoom arrière et le retour au plan large. Il feinte, il est passé par ici, il est repassé par là. Suspense, le hasard va-t-il arriver à franchir la rude baston ?

    Tout à coup gros plan. Face caméra, il prend les choses en main, endosse le rôle d'arbitre pour désigner un des combattants. Au hasard. Alea jacta est. Un deux trois la victime ce sera toi, quatre cinq six pour finir la crise.

    Voilà c'est ainsi que Girard voit le scénario. Un hasard décida de la première victime. Raison pour laquelle désormais on la choisit plus ou moins arbitrairement dit-il, même que dans certains rituels elle est parfois désignée par un truc style tirage au sort.

    Entre nous le hasard a bon dos, non ?

    Perso je gage que la victime première fut rarement le gros costaud avec grosse massue ou silex tranchant.

    Ma main à couper que cela a dû être une femme plus souvent qu'à son tour. Ou à la rigueur un petit (en taille aussi mais là je veux dire l'âge). Genre le sort tomba sur le plus jeune. Autant dire le plus faible.

    Le « premier venu » du hasard, logiquement est plutôt le dernier.