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  • Lui c'est Nietzsche

    « Ecce homo » 

     

    Tiens justement puisqu'on en parle. Ecce homo est le titre de l'œuvre de Nietzsche sans doute la plus émouvante, où il se livre avec cette paradoxale pudeur dans l'exhibition qui le caractérise. Mais elle est surtout éclairante sur le sens profond de son œuvre.

    Voici l'homme sont les mots par lesquels Pilate présente à la foule le Christ dont il vient d'instruire le procès.

    On sait que, pour le condamner à mort comme le réclament les grands prêtres et la foule dûment manipulée en ce sens, il n'est pas chaud bouillant (épisode célèbre de son lavage de mains en public). Le chef d'accusation « se dit roi des Juifs », pose habilement Jésus de Nazareth en opposant aux Romains.

    Du coup Pilate, sous peine de perdre son autorité, renonce à ses vagues efforts de justice, et jette l'éponge (pour mieux se laver les mains).

    Sur les tableaux intitulés Ecce homo, Jésus porte ainsi manteau rouge et couronne d'épines, tient un roseau en guise de sceptre : mise en scène ironique du titre « roi des Juifs » par ses gardiens-bourreaux.

    Le choix du titre de son livre révèle donc chez Nietzsche avant tout son identification messianique. C'est que ça vous marque, le papa pasteur, qui plus est mort brutalement quand Friedrich était petit (et mignon à l'époque qui sait ?) (j'arrive pas à l'imaginer sans son horrible moustache).

    Messianisme, mais paradoxal. Nietzsche en effet retourne comme un gant* la notion.

    Le surhumain dont Zarathoustra est le prophète n'est conçu ni comme une infiltration de divin dans l'humanité, ni inversement comme une sublimation de l'humain en divin. Surhumain s'oppose non pas à humain, mais à trop humain.

    Un terme qui désigne la mauvaise pente de la nature humaine : nihilisme, mauvaise foi (au sens existentialiste, celle qui fait fonctionner en faux-self) ).

    Le surhumain est ce qui dans l'humain s'efforce de remonter (plus que surmonter) cette pente. Zarathoustra n'est pas vraiment prométhéen, il serait plutôt apparenté à Sisyphe.

    (cf ce blog mes notes sur Zarathoustra de mi-octobre 2014 à mi-avril 2015) (comme le temps passe)

    Ecce homo renvoie aussi au principe que Nietzsche nomme physiologie. On ne peut penser juste, rechercher adéquatement la vérité, si on ne le fait pas à partir de la réalité la plus prosaïque, la plus corporelle, la plus humaine.

    (Je voudrais pas enfoncer le clou, mais encore un qu'était pas trop pote à Platon ...)

     

    *J'ai retourné comme un gant l'idéalisme hégélien dixit Marx (Karl)

  • Pourquoi pas moi

    « Aut Caesar aut nihil »

     

    Ou César ou rien.

    C'était, dicunt rosae paginae, la devise de César Borgia.

    Pour ma part j'y vois comme une contradictio in terminis. Comment devenir quelqu'un si pour cela on se propose d'être quelqu'un d'autre ?

    Mais, dira le lecteur, les modèles, les exemples, ne sont-ils pas nécessaires à la formation de la personnalité ? L'enfant progresse en voulant faire comme les adultes aimés et admirés, en s'identifiant à des personnages historiques ou légendaires.

    C'est juste, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain.

    Sauf que je trouve aut Caesar aut nihil nettement plus radical qu'une simple incitation à prendre exemple. Être son modèle sous peine de n'être rien, Dieu me compute, voilà une injonction à exister en mode 0/1. Et du coup avoir une chance sur deux de ne pas exister (enfin chance on se comprend, une possibilité).

    OK César Borgia, assumant l'injonction portée par son prénom, a fait son chemin dans la vie, (j'entends au plan réussite sociale parce que côté éthique on est nettement plus près du 0 que du 1) (mais c'est pas la question) (et c'est bien le problème).

    Cependant dans nombre de cas l'alternative se résout moins glorieusement. Ou César ou rien ? Ben rien.

    Car cette injonction totalitaire fait du modèle un idéal (au sens de mon ami Platon). Elle a donc toutes les chances (enfin on se comprend) de couper de la réalité telle qu'elle est, et ainsi d'empêcher de faire avec ce qu'on a, ce qu'on est. Du coup, faute d'atteindre son objectif, on se considère comme un raté.

    Ressentiment garanti, moitié dépression, moitié agression envers autrui. (Lien infernal entre idéalisme et nihilisme CQFD).

    Bon, je vous vois venir, vous allez m'alléguer en contre-argument le fameux Chateaubriand ou rien de Victor Hugo. Cette ambition l'a motivé, le Totor, a catalysé son génie, non ?

    Oui oui. Mais est-ce que ça valide la phrase pour autant ? Victor Hugo n'a pas été rien, je vous l'accorde.

    Mais il n'a pas été Chateaubriand non plus, vous me l'accorderez.

    Cela dit entre nous plutôt que Chateaubriand ou rien combien on parie qu'il pensait en vrai Victor Hugo ou rien ?

    Et il avait bien raison. Que tu sois César, Victor, René ou n'importe qui,

    Que dit ta conscience ? - « Tu dois devenir celui que tu es. »

    Le Gai Savoir (270)

     

     

     

     

  • A chacun son Rubicon

    « Alea jacta est »

     

    est supposé avoir dit Caius Julius Caesar en franchissant le Rubicon.

    Vu l'absence de deuxième amendement dans la constitution de la république romaine, franchir armé le Rubicon (cours d'eau délimitant le territoire de la cité) revenait à manifester son projet de coup d'état : c'est un petit pas pour ma caliga, mais un pas de géant vers le pouvoir.

    Avec son coup de dés Jules abattait ses cartes.

    Coup d'état annoncé, préparé de longue date (entre autres par la guerre des Gaules) (médiatisée par le livre d'un certain César Jules) (on n'est jamais mieux servi que par soi-même).

    Car César, en homme d'action, sait que la chance ne s'attend pas les bras croisés. La chance ne doit rien au hasard. La sienne en tous cas se fabrique, se calcule.

    Devant l'aléatoire de toute entreprise humaine, autant être celui qui jette les dés. Et souvent après les avoir pipés pour être plus sûr de son coup.

    Le premier Rubicon franchi est parfois un Rubicon éthique.

    Oui mais voilà, comme dit Mallarmé dans un poème aussi célèbre qu'illisible

    Le coup de dés jamais n'abolira le hasard

    César fut rattrapé par un aléa que nous supposerons psychologique. Le fils d'un grand homme, pour exister, doit tenter comme on dit de se démarquer, d'aller sur un autre terrain que celui de Papa.

    D'où l'intérêt de Brutus, fils adoptif de Jules, pour la défense de la république ou ce qu'il en restait.

    (Quoique. Intérêt oui mais engagement sincère ?)

    (Bonne question, Sigmundus Amicus).

    Et puis après, vous savez ce que c'est, une chose en entraîne une autre … Contestation, meurtre symbolique ... Et tant qu'on y est, le meurtre réel c'est plus sûr.

    Et c'est ainsi que le jour des ides de mars, César, incrédule autant que sanglant, a émis une autre (et définitive) parole historique en reconnaissant son fiston Brutus parmi ses assassins. Tu quoque fili arrgh ...

    Il venait de comprendre tout à coup que les dés avaient changé de main.