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  • Mirabelle

    Voilà un mot qu'on se demande bien ce qu'on pourrait lui reprocher, un mot si mignonnet et gentillet qu'on croit voir ses tresses avec des nœuds roses, un mot qu'on lui ferait bien de gros bisous qui claquent sur ses belles joues rebondies. Mirabelle, un mot de cour de récré d'école maternelle. D'ailleurs c'est un fruit proche du joujou. Ça a quelque chose d'une boule de boulier, d'une grosse perle en plastique du collier qu'on offrira à Maman pour la fête des Mères. Et en plus c'est bon la mirabelle, moins que la reine-claude sans doute, mais faut dire qu'avec un nom pareil celle-ci doit assurer, la mirabelle de fait a moins de pression, il suffit qu'elle ait un petit goût agréable et une apparence itou.

    Mirabelle rime avec prunelle ce qui est logique vu leur commune prunitité. Elle rime aussi avec pimprenelle. Alors ... piment, pimenter, pimpant … ah voilà : Pimprenelle n.f. Latin médiéval pipinella, p.ê. de piper « poivre ». Plante herbacée, à fleurs généralement rouges, dont les feuilles servent à relever les salades.

    On en apprend tous les jours. Pimprenelle dans mon idée jusqu'ici c'était aussi un fruit bien sucré, ou alors une petite fleur. Les gens de ma génération comprendront pourquoi. Pimprenelle était la sœur de Nicolas dans Bonne nuit les petits, une émission que sur mes cinq ans je n'aurais ratée sous aucun prétexte. En fait je dois avouer que je trouvais ladite Pimprenelle nunuche (oui déjà à cinq ans je vous assure les gamins ont plus d'esprit critique qu'on n'imagine), et son frère concon. En plus je sentais la rupture logique, indice d'une rupture d'égalité entre les sexes : la fille avait un nom de fruit ou de fleur (croyais-je, mais si j'avais su qu'il s'agît de salade cela eût peu modifié mes réflexions) et le garçon un vrai nom de vrais gens. Même s'il rimait avec chocolat, la raison peut être pour laquelle on l'avait choisi. Mais quand même, le garçon du côté de l'humain, la fille du côté du végétal. A l'un la conscience et l'aptitude au concept, à l'autre la simple évidence de l'être-là, sans compter sa possible comestibilitude, avec un nom pareil. Comme quoi Bonne nuit les petits ça mène à tout, y compris à la lecture de Simone de Beauvoir.

     

    Dans BNLP il y avait aussi Ulysse le marchand de sable, que je trouvais fadasse avec sa flûte, un peu comme est fadasse Tamino dans La Flûte Enchantée par rapport à Papageno. Dans BNLP l'équivalent de Papageno était Nounours, et c'était lui mon personnage préféré. Quant aux scénarios de ce programme quotidien, je les ai oubliés, je pense qu'ils auraient eu du mal à rivaliser avec Psychose ou La Maison du Dr Edwards, mais apparemment le but n'était pas de provoquer des cauchemars dans le public des 0-5 ans. Je constate aujourd'hui que, outre m'amener à Simone de Beauvoir, à Mozart et à Hitchcock, Bonne nuit les petits reste une de mes madeleines. Une madeleine à goût de mirabelle. Il paraît que le mot vient du nom propre Mirabel, localité où poussait le fruit. Moi je crois qu'il vient surtout de « mirabilis », qui a donné merveilleux.

  • Là-bas

    Là-bas s'oppose à ici.

     

    Là-bas à Fukushima. Ici chez nous.

     

    Là-bas à Fukushima et plus généralement au Japon existent des risques naturels tels que séismes, inondations, tsunamis.

    Ici chez nous, en tout lieu du territoire français et plus spécialement le long de la vallée du Rhône ou aux abords de la commune de Fessenheim, de tels risques n'existent pas. Ou alors il y a longtemps, ou pas longtemps, ou rarement.

     

    Là-bas à Fukushima ils ont construit une centrale nucléaire, et plus généralement d'autres centrales ailleurs au Japon, sans se poser la question des risques naturels. Ou alors il y a longtemps, ou pas longtemps, ou rarement.

    Ici chez nous on a aussi construit des centrales, sans se poser la question des risques naturels. Jamais. Ce qui est raisonnable, puisque des risques naturels, il n'y en a pas. Et chez nous on est raisonnable, on est logique car on est le pays de Descartes.

     

    Là-bas à Fukushima il y a un empereur, ce qui n'empêche pas le régime d'être démocratique. Ici chez nous on est le pays de la Révolution Française & des Droits de l'Homme, ce qui implique que nous sommes la démocratie-même, en tout, pour tout.

     

    Là-bas à Fukushima au Japon il y a des lobbies.

    Ici chez nous il n'y a pas de lobbies, mais des conseils en décision qui sont juge et partie. Nuance. Ici chez nous en France, au pays de l'esprit et de la finesse, tout est nuance.

     

    Là-bas à Fukushima au Japon, pays de rudes samouraïs, les choix énergétiques se font de façon brutale, opaque, sans information et encore moins consultation des populations.

    Chez nous ici en France, pays de Descartes, de la nuance, de la Démocratie et des Droits de l'Homme, les choix énergétiques se font dans une douce opacité cartésienne, démocratique et nuancée.

     

    « Là-bas : vx Au-dessous, spécialement (1532) désignait l'enfer ».

     

    Là-bas à Fukushima.

    Là-bas à Fukushima ils tiennent bon.

    Ici chez nous je pense à eux, je les salue.

     

     

  • Kafkïen

    Voilà un truc qui vous pose, avoir créé ou trouvé quelque chose à quoi désormais votre nom s'attache. Genre si vous transportez sur votre dos à travers les égouts de Paris votre futur gendre adoptif, si vous sonnez des cloches en criant « asile ! asile ! », on ne manquera pas de taxer votre comportement d'exagérément hugolien. Quand, faisant la poussière, vous lâcherez malencontreusement votre vase Ming, et qu'au lieu de rester suspendu en l'air le temps que vous réagissiez il ira bêtement s'écraser au sol, vous pesterez contre son conformisme newtonien. Quand vous embrasserez l'aube d'été du côté de Charleville-Mézières, on dira de deux choses l'une ou il fait un coming-out rimbaldien, ou il est un peu ivre. Quand vous vous prendrez la tête à propos d'être ou pas, de tuer ou pas Tonton qui a tué Papa (comme son fantôme est venu vous le révéler) avant d'épouser Maman, et que vous vous demanderez si toutes ces tergiversations ne sont pas l'indice d'un complexe d'Oedipe mal résolu, on se dira : « shakespearien ou freudien, das ist die Frage » (ces derniers mots prouvant qu'on a inconsciemment déjà opté pour l'un des termes de l'alternative).

    Si une forme particulière d'agoraphobie vous touche lors d'un voyage intersidéral, il y a fort à parier que vous soyez pascalien. Si la disparition des dinosaures ne vous fait ni chaud ni froid, voyez-y l'expression de vos gènes darwiniens. Si la beauté vous a assailli sans crier gare un matin de votre enfance à l'écoute d'Une petite musique de nuit, vous serez mozartien jusqu'à votre requiem inclus et qui sait au-delà.

    Quant à être kafkaïen, je ne vois pas comment on pourrait l'éviter dans notre monde, dont je n'entamerai pas le procès car les occasions de cafarder y sont déjà trop nombreuses, raison pour laquelle ce blog se place résolument dans une perspective de divertissement. D'où Kafka.

     

    Vous ne voyez pas le rapport ? Figurez-vous que Kafka, on ne le sait pas assez, avait un certain sens de l'humour. Un humour certes personnel, subtil et pince sans rire autant que caricaturiste, naviguant entre l'absurde et la métaphysique. Pour illustrer le propos, sur l'échelle de Kafka de l'humour, graduée de 0 à 10K, Bigard serait disons à - 50K et Desproges à 9 ou 9,5K.

     

    Kafka n'a pourtant pas mené à bien sa carrière comique, pour cause d'inaptitude à l'auto-promotion et de santé fragile, mais c'est bien dommage, à en juger par des trouvailles comme celle-ci. (Chaque fois que je relis cette phrase, j'y peux rien, je suis morte de rire).

     

    Dans mon tiroir traînent de vieux papiers, que j'aurais jetés depuis longtemps si j'avais une corbeille à papiers. (Journal, 25-12-1910)