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  • C'est fatigant ...

    C'est fatigant dans les montées,

    C'est effrayant dans les descentes

     

    Et les sommets ne donnent,

    Aussi bien que les creux,

     

    Que l'idée de l'arrêt,

    La notion du repos.

     

    Ceci est le poème Sinusoïde, extrait du recueil Euclidiennes de Guillevic. Sans me vanter, voilà quelqu'un qui a eu une sacrée bonne idée.

    La poésie aime les images, la poésie est avant tout une contemplation. Contemplation de la nature souvent et c'est logique car la nature est un des plus courts chemins vers la perception de la vibration d'être (deus sive natura pour tout dire, c'est comme ça faut vous y faire dans ce blog échapper à Spinoza : même pas en rêve). Et c'est bien cette vibration-là qui nourrit l'écriture contemplative de la poésie, style J'ai embrassé l'aube d'été.

    La poésie a aussi de tout temps contemplé les êtres humains, dans la poésie amoureuse mais pas seulement. Et aussi les réalisations humaines, par exemple pour rester avec Rimbaud le poème Villes des Illuminations.

     

    La trouvaille de Guillevic c'est de contempler non seulement le réel (ce qu'il sait faire aussi génialement) mais les images du monde symbolique, en l'occurrence les figures euclidiennes. A vrai dire le jeune Arthur toujours lui avait quelque peu montré la route avec Voyelles. Mais ici c'est systématisé, et puis il y a le truc qui marche bien de donner la parole à ces figures, leur imaginant une vie, des pensées, considérant leur forme comme un corps vivant avec ses sensations. Et surtout je pense qu'Eugène s'est bien amusé en écrivant ces poèmes, car beaucoup d'entre eux sont assez drôles (du moins je trouve). Les lire nous remet avec lui dans l'esprit de l'enfant se racontant des histoires, reconstruisant le monde à sa mode à l'aide de ses cubes ou son meccano.

    Euh bon c'était le quart d'heure de cours sur la poésie. Effet rentrée des classes j'imagine. Prof qui n'enseigne plus, il se peut que je sois comme ces coquillages enfouis au fin fond de l'océan, qui mystérieusement ressentent les mouvements de la surface et y réagissent.

     

     

    Sinusoïde quant à elle ne cesse d'aspirer à un repos qui lui échappe toujours, embarquée la pauvre dans un mouvement alternatif qui m'évoque pour ma part, Dieu me psychanalyse, les affres de la bipolarité. Mais elle sait bien je pense que trouver ce repos, cet arrêt, serait du même coup cesser d'être ce qu'elle est. Elle est sinusoïde, c'est son destin, inutile qu'elle se rêve droite, cercle ou triangle rectangle.

  • Je me laisse courir

    Je ne croirai qu'en un dieu qui s'entendrait à danser. Et lorsque je vis mon diable, je le trouvai grave, minutieux, profond, solennel ; c'était l'esprit de pesanteur – par lui toutes choses tombent.

    On ne tue pas par la colère, mais on tue par le rire. Allons, tuons l'esprit de pesanteur !

    J'ai appris à marcher : depuis ce temps je me laisse courir. J'ai appris à voler : depuis je n'attends plus qu'on me pousse pour changer de place.

    Maintenant je suis léger, maintenant je vole, maintenant je m'aperçois au-dessous de moi-même, maintenant un dieu danse en moi.

    Nietzsche Ainsi parlait Zarathoustra (Discours Lire et écrire)

     

    Cette citation ne doit rien au hasard, je le confirme. Je descends un instant de mon étagère pour m'asseoir au bureau où Zarathoustra est posé depuis qu'une phrase de Rimbaud l'a irrésistiblement appelé (cf Pas sérieux 13/08). Quel éblouissement ! Les auteurs vraiment créateurs, plus on les lit, plus on les trouve inépuisables.

    C'est bien simple en lisant Zarathoustra on ne sait jamais où donner de l'enthousiasme. Intelligence, audace, écriture de philosophe poète qui fait vibrer les mots, danser les phrases. « Le mieux serait donc de t'abstenir de commentaires forcément superflus, non ? » (vous entends-je penser). Mais n'oublions pas ma graphomanie, je ne sais pas comment taire l'écho en moi de tels textes. Joann Sfar (vous savez Le Chat du rabbin) dit (dans son Journal de merde) que devant une image qui le touche ce que je vois, je le dessine avec mes yeux.

    C'est ça, il est des textes, je ne peux les lire qu'en les parlant avec mes mots. Ainsi résonne en moi Zarathoustra :

    1° La légèreté est rare, où la trouver ? La légèreté, pas l'inconsistance.

    2° La légèreté est rare parce qu'elle est difficile.

    3° Ce ne sont pas les mêmes choses qu'on tue par le rire ou la colère. Le rire apprend à tuer ce qui défait ou emprisonne, à condition qu'il s'agisse d'un vrai rire, dont ainsi parlait Spinoza : Le rire (rIsus), tout comme la plaisanterie (jocus, le jeu des mots disons) est pure joie (laetitia). (Ethique IVscolie du corollaire 2 prop 45). Il le différencie dans le même scolie de ce qu'il nomme moquerie (irrisio), disons le fait de tourner quelque chose en dérision. Ce rire-là, qui naît dans l'amertume, ne peut alléger.

    J'ai appris à marcher depuis ce temps je me laisse courir n'est pas seulement une formule métaphoro-philosophico-prise de tête. Regardez un enfant qui commence à marcher : littéralement emporté par son élan, il court plus qu'il ne marche, tout son corps dansant, chorégraphiant un pas de deux entre la pesanteur et l'envol. (Gadins garantis avant d'atteindre le niveau Pina Bausch et qu'un dieu danse en soi, mais on est tous passés par là).

     

    5° Y a-t-il, pour dire l'exultation d'être, un meilleur mot, un autre mot que Maintenant 

  • La paranoïa pour les nuls

    On n'est jamais paranoïaque sans raison. La phrase citée la dernière fois est incluse dans le paragraphe Repérer les cellules d'un tableau, lui-même inclus dans le chap 19 intitulé A la découverte du tableur T., lui-même inclus dans N. (ici le nom d'un logiciel) pour les Nuls.

    Vous ne voyez pas le rapport avec la paranoïa ?

    Il me faut ici avouer que je n'ai pas la main verte avec les ordinateurs et ce genre de choses. Ils ont une méchante tendance à buguer avec moi, idem les montres à s'arrêter, les voitures à produire de drôles de bruits qui ne font pas rire. Si bien que j'ai développé à leur égard une sorte de phobie. Le moindre rapport avec eux prend des allures de trauma. C'est ainsi qu'un jour de crise avec mon traitement de texte (crise qui nous aurait menés à la rupture n'était ma graphomanie incurable qui, je le constatai en l'occasion, est désormais addict à l'objet ordinateur, incapable de se donner libre cours avec les bons vieux papier-crayon) je fis l'acquisition de N. pour les Nuls.

    Cependant (et naturellement) ce ne fut pas ce livre qui résolut la crise, mais un être de chair et de sang du village voisin, ayant fait du secours aux nuls en ordi dans mon genre une occupation aussi prenante que lucrative.

    Depuis il squatte sur une étagère de ma bibliothèque (non, pas le mec), plus précisément sur l'étagère dédiée à supporter les bouquins impossibles à regrouper avec d'autres dans un semblant de cohérence aussi minimal soit-il. Soit-il le semblant, sinon j'aurais dit soit-elle la cohérence, mais justement je suis cohérente, c'est donc bien le semblant qui est minimal, ce qui est logique car je suis nulle en communication.

    Mais revenons à nos étagères. Le sort tomba donc sur celle de L'Hétéroclite Majeur, du Grand N'importe Quoi. Quand, les yeux fermés selon la règle que j'applique à la lettre, j'ai tâté ce livre, j'ai senti qu'il était couvert de poussière, et j'en ai déduit que je ne l'avais pas ouvert depuis longtemps, et donc qu'il se révélerait plein de surprises, idéal pour cette écriture de hasard.

    Toutes les surprises ne sont pas bonnes.

     

    Revenons donc à la paranoïa. Notre phrase révèle clairement qu'informatique peut rimer avec cadrage. Or de cadrage à procédure automatique il n'y a qu'un pas. Et à peine plus d'un pas, disons deux maxi, de procédure automatique à conformisme tueur de créativité. Cela dit je ne nie pas qu'un tableur soit utile. Encore que je ne sache pas vraiment à quoi ça sert. Mais il est vrai que je m'occupe assez peu de classements, comptes et autres sérieusitudes, me consacrant à des futilités inepties & inutilités telles que littérature ou philosophie.

    Quant à la paranoïa développée par certains autour de l'informatique à cause d'éventuels espionnages par la NSA ou je ne sais quoi, je m'aperçois que j'en suis totalement exempte. Je le dis sans bravade ni fierté aucune ou aucunes si on préfère. C'est l'avantage de s'intéresser à des choses dont personne n'a rien à faire, et d'écrire à leur propos d'hasardeuses billevesées. Et d'ailleurs, Dieu me décode, je ne sais rien faire d'autre.