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  • Déconfitures

     

    Dilemme n°3 : Confiture ou iceberg ?

    1) Soit la phrase bien connue du sens commun, et qui fait partie intégrante du bagage culturel de base. « La culture c'est comme la confiture, moins on en a plus on l'étale. »

    Malgré son évidence quasi socratique cette sentence n'est-elle pas à côté de la plaque ? Devant un bol à l'heure du petit déjeuner, la vraie question n'est-elle pas plutôt de savoir a) si la confiture est bonne et b) si on en a envie (de préférence au beurre ou au miel). Démonstration.

    Supposons que la personne qui propose sa confiture n'en ait pas quantité de pots dans son garde-manger (un doute me vient : qui dit encore ça, un garde-manger ?) Pourquoi supposer que l'étalage qu'elle en fait sur la tartine soit nécessairement destiné à impressionner le destinataire de ladite tartine et à lui bourrer le mou sur le remplissage du garde-manger  ?

    Et quand bien même, cela n'empêche pas de supposer que cette confiture précisément puisse être inconnue dudit destinataire (quel que soit le nombre de pots de confiture dont il dispose dans son propre garde-manger). Il découvrira alors quelque chose en la goûtant. Exemple (entre autres) une tartine de confiture de mécanique auto ou de physique quantique (même en couche mince) me serait une nourriture fort opportune. Voire délectable, à condition qu'elle soit de bonne qualité bien sûr.

    Concluons donc cette première partie par la proposition suivante :

    La quantité de confiture est question négligeable au regard de sa qualité et de la faim de son consommateur.

    2) L'iceberg dans l'histoire ? Aucun rapport avec un ours blanc tombé dans un trou d'ozone en pêchant sur la banquise. Ni avec Leonardo di Caprio malheureusement.

    Le complexe de l'iceberg (que je formule ici en première mondiale) est une pathologie fort handicapante qui consiste dans l'incapacité, assortie de vergogne, à faire montre de l'ensemble de ses connaissances ou aptitudes, dont on ne décèle en conséquence qu'un très faible pourcentage. L'iceberg-complexé est ainsi l'antithèse de l'étaleur de confiture (entendu au sens commun).

    Nous n'entrerons pas dans l'analyse psychologique d'un tel comportement, pas plus que nous ne sommes entrés dans l'analyse du précédent. (De toute façon Herr Doktor F. est aux abonnés absents depuis un moment vous avez remarqué. D'un côté ça repose, mais il me manque un peu j'avoue.)

    Il est par ailleurs d'un abord moins chaleureux, deuxième raison qui nuit à sa popularité sur les réseaux sociaux. (Pas S. F. Quoique. Mais je parlais bien de l'iceberg-complexé).

    Concluons donc : le fameux iceberg qui provoqua la déconfiture du Titanic sur la banquise en revanche abonda quelque peu le compte en banque de Leo. Depuis, s'il manque de confiture il peut mettre du caviar sur la tartine. Cela dit faut aimer, moi perso le matin à part le café au lait ...

     

  • De bon foie

     

    Dilemme n°2 : Fromage ou dessert ?

    Que vient faire cette question bête quand tant de graves et d'essentielles nous assaillent en ce moment ? Ah lecteur, si je pouvais apporter des réponses ! Mais voilà. Alors je continue, contre le poison du sentiment d'impuissance, contre la laideur de la méchanceté, contre la pesanteur de la connerie, à user de mon antidote personnel, la légèreté. Tel est mon conatus (dirait Spinoza), ma façon de tenir bon dans l'appétit de vivre. Fromage ou dessert, donc.

    D'accord je ne suis pas allée le chercher trop loin celui-là, dans le genre valeur sûre au pays de la gastronomie. Mais fût-ce pour proposer un sujet de dilemme, pourquoi se casser la tête ?

    Oui mais légèreté ? Ni fromage ni dessert ne sont légers de fait. S'ils le sont, c'est qu'ils sont allégés. Exemple le fromage allégé, plâtreux et sans subtilité. En effet le gras me suis-je laissé dire permet aux saveurs de s'exprimer. Un peu comme les harmoniques donnent au son sa profondeur. Me suis-je laissé dire dis-je : j'avoue peu pratiquer le gras pour ma part. Faiblesse de foie sans doute, en tout cas il figure en place honorable dans la liste de mes phobies.

    Mais je ne pratique pas davantage l'allégé. Contestable sur d'autres plans que celui du goût, vous le savez en consommateurs avertis que vous êtes. Exemple j'ai toujours trouvé aux yaourts 0% un goût et une consistance déplaisants. Or mes papilles n'erraient pas trop sur ce coup-là car les laitages à 0% sont rendus (prétendument) moelleux par adjonction de gélatine de porc. Beurk beurk.

    L'édulcorant n'est pas un must gastronomique non plus. Goût exagéré, indécent, exhibé, non exactement de sucre, mais de sucré. Re beurk beurk. Voilà qui révèle un certain mépris pour les gens qui aiment le sucre.

    Un peu comme si à ceux qui goûtent la littérature romantique & sentimentale on déconseillait par exemple La Nouvelle Héloïse en proposant à la place ces machins saturés de mièvreries qui encombrent les librairies.

    Le sucre m'écoeure autant que le gras, et je trouve La Nouvelle Héloïse indigeste (lisons plutôt les Confessions sans modération, voire Du Contrat social si on est porté sur les régimes). Mais je m'en abstiens, c'est tout. Car n'allez pas croire que je sois payée par le lobby du sucre pour taper sur les édulcorants. Si vous craignez (à juste titre) les dégâts du sucre sur votre ligne et/ou votre santé, le plus simple est encore de ne pas ou peu sucrer, non ?

    Dieu me déguste ce blog mène à tout. J'ai l'impression d'avoir écrit une plaquette de prévention de l'obésité pour le Ministère de la Santé. Au service duquel (et contre les multinationales de l'agroalimentaire par la même occasion) je signale à qui de droit que je ne rechignerais pas à mettre ma plume. Marisol si tu me lis.

    Une plume que, si on me le demandait gentiment, j'offrirais également aux ministères de l'Educnat et de la Culture, dans le cadre d'un Plan de Prévention des Risques Majeurs de Connerie & Méchanceté Induite.

    Pour ma part je me sais atteignable aussi par le virus, mais je me soigne.

     

  • "Mais cela nous l'avons réfuté"

     

    « Le vulgaire, par puissance de Dieu, entend la libre volonté de Dieu et son droit sur tout ce qui est, qui par là se trouve communément considéré comme contingent. Car Dieu a le pouvoir de tout détruire, dit-on, et de tout renvoyer au néant.

    En outre, on compare très souvent la puissance de Dieu à la puissance des Rois, mais cela nous l'avons réfuté (…) nous avons montré que la puissance de Dieu n'est rien d'autre que l'essence agissante de Dieu.

    Cette puissance dont le vulgaire affuble Dieu, non seulement est humaine (ce qui montre que le vulgaire conçoit Dieu comme un homme, ou à l'instar d'un homme), mais aussi enveloppe impuissance. » (Éthique II scolie prop 3).

    Les scolies sont souvent les passages les plus clairs et nets de l'Éthique, les plus drôles aussi. Là où Spinoza ne nous l'envoie pas dire, sur un petit ton ironique et agacé. Vous devez comprendre, c'est évident vous avez suivi le raisonnement non ? Mais bon au cas où, je vais quand même mettre les points sur les i. Et s'il se retient d'ajouter bande de nazes, c'est qu'il est assez honnête pour s'appliquer à lui-même son conseil de fuir les affects négatifs.

    Spontanément donc le sens commun (ainsi faut-il en fait entendre le vulgaire) ne sait concevoir la puissance que comme prise de pouvoir, en particulier de l'homme sur l'homme (qui par là se trouve considéré comme contingent), comme aliénation et exploitation, jusqu'à la destruction éventuellement.

    Eh bien dit Spinoza, cela signe l'incapacité de faire corps avec la véritable puissance, la seule qui vaille, qu'il nomme l'essence agissante de Dieu. La puissance-même dit-il, pour dire il n'en est pas d'autre. Disons l'énergie potentielle et actuelle de la vie, toute-la-vie-rien-que-la-vie. (Spinoza s'inscrit radicalement en faux contre l'illusion d'une transcendance).

    Les autres choses dites puissances sont contrefaçons, fantasmes, fétiches. On aura beau les affubler de tous les déguisements, on aura beau faire en leur nom quantité de victimes, on ne pourra empêcher qu'elles « enveloppent impuissance. »

    « Dieu a le pouvoir de tout détruire, dit-on » : génie spinoziste de la lucidité. Dévoilement comme en passant du point nodal de l'aveuglement humain : la projection de notre pulsion de mort dans le concept de divin.

    La violence, qui est summum de l'impuissance humaine, car elle est défaite de la vie, se trouve, par une scandaleuse absurdité, sacralisée, absolutisée.

    Et alors, à partir d'elle et de « Lui », toute méchanceté devient autorisée et même prescriptible, sous le prétexte mensonger de la supprimer (que le mensonge soit conscient ou pas, quels que soient ses alibis politico-mafieux).

    Car le mot fameux de Voltaire « Tu nous as faits à ton image mais nous te l'avons bien rendu », déjà décapant de lucidité, doit encore se compléter d'une formulation symétrique qui révèle la partie complémentaire de la vérité, sa face cachée :

    « Nous t'avons fait à l'image de l'inhumain en nous, pour nous justifier de l'incapacité à nous faire humains ».