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  • Othello

     

    Allez je le dis : Verdi m'ennuie.

    Je me demande bien par quelle lubie je suis venue assister à ce spectacle. La mise en scène se défend, je l'admets. Mais la musique décidément, ça ne passe pas.

    Même ici à Milan. Cela dit la Scala c'est une belle salle. Une autre pièce que du Verdi, ce serait le pied.

    À la vérité, le lyrique à mes yeux (si je puis dire parce qu'un autre sens est davantage en jeu) n'est pas servi par les musiciens italiens. En particulier au XIX° siècle. Avant, je ne dis pas.

    Mais clairement les réussites lyriques magistrales & insurpassables, c'est en Autriche avec l'ami de Schikaneder, m'est avis. Ça je peux l'entendre des heures durant. Sans bâiller. Ni même envie de faire pipi (en m'étant abstenue de liquide auparavant c'est vrai).

    Mais avec Verdi j'ai immédiatement les yeux qui s'appesantissent, des insectes dans les jambes, envie de me lever et d'échapper à la diva victimisée, ainsi qu'à la basse traîtresse qui la persécute (et le public avec).

    Et puis ce que je déteste vraiment dans ces lyriques italiens, c'est le timbre des chanteurs, j'entends ici les autres que les basses, ceux qui chantent plus haut.

    (Cet exercice d'évitement d'une lettre interdite a tendance à devenir pesamment périphrastique, mais quelle alternative ?)

    Un timbre m'as-tu vu, c'est ça. D'ailleurs leurs vedettes, genre le mec qui pesait à peu près cent mille grammes c'est des m'as-tu vu pareil.

    Il se peut que ce jugement manque d'impartialité, je veux bien l'admettre. Mais y en a-t-il, de l'impartialité, en matière d'esthétique, je le demande ? Pas de répartie à ça, hein ?

    "Ah je ris de les aviser si muets en leur psyché", entends-je d'ici mugir Madame Castafleur.

    Plus largement la musique en général (pas seulement le lyrique j'entends) en Italie, après Vivaldi ? Plus rien. Ça s'est déplacé vers les pays d'en haut de la carte, germains par exemple. Les grands dans leur ensemble naissent là-bas à partir de la fin du XVIII° siècle.

    Le malentendant de génie, au premier chef. Et puis l'auteur de ces lieder magiques … ah mais je suis bête, celui-là je peux le dire : le grand Schubert. (Ah ! Ça fait du bien).

    Je m'avise, à la faveur de cet écrit, qu'un paquet de musiciens incluaient dans leur signature la lettre interdite (en plus bien sûr de l'auteur enchanteur de la Flûte).

    Le pianiste magicien amant de Madame Sand, le DJ en chef avec sa marche nuptiale, le Français fantastique. Ah certes : Wagner, Haendel, Bach. Ça va ça va j'admets.

    Ce que j'en disais c'était juste afin de passer le temps de cet interminable spectacle.

    Parce que je ne sais pas si j'y ai assez insisté, mais Verdi m'ennuie.

     

     

     

     

     

  • Sans haine

    Léa, elle est pas du tout comme Théo.

    Léa, elle perd pas du temps à reprocher des choses aux autres.

    Léa, elle rêve pas d'autres comme elle.

    Léa elle est pragmatique, elle réclame pas l'impossible.

    Léa, elle reçoit juste ce qui est.

    Léa, au bout du compte elle perd jamais.

     

    Léa, elle aime la terre les arbres l'air et l'eau.

    Léa, elle aime les fourmis comme les cétacés majestueux ou les héritiers actuels des mammouths.

    Léa elle aime les bêtes apprivoisables et les féroces.

    Léa, elle est pas géomètre, elle est pas géographe non plus.

    Léa, elle a pas pour métier les bêtes ou la terre.

    Léa, elle est juste amoureuse de ce qui vit.

    Léa, au bout du compte elle perd jamais.

     

    Léa, faut pas croire, elle est comme vous, comme moi.

    Léa, la vie lui fait pas que des cadeaux. Mais elle sait voir ceux qu'elle lui fait.

    Léa, elle aime le jour qui se lève.

    Léa, elle aime le soir qui tombe.

    Léa, s'il fait froid elle aime le froid. Même si elle préfère qu'il fasse chaud.

    Léa, c'est pas qu'elle a pas mal, mais elle ajoute pas du mal au mal.

    Léa, au bout du compte elle perd jamais.

     

    Léa supporte, Léa résiste.

    Léa, elle est forte. Même si ça se voit pas toujours, pas du premier coup.

    Léa, elle a la force modeste.

    Léa, elle est pas frimeuse.

    Léa, elle sait ce qui compte, ce qui importe.

    Léa, le reste, elle le laisse tomber.

    Léa, elle laisse à Théo la tristesse.

    Léa elle laisse les morts avec leur mort.

    Léa, au bout du compte elle perd jamais.

     

    Léa, elle a pas lu le philosophe d'Amsterdam.

    Léa elle sait pas nommer tous ses affects.

    Léa, elle sait pas beaucoup de choses.

    Léa, elle se fout de tout ce qu'elle sait pas.

    Léa, elle sait la seule chose qui compte.

    Léa, elle aime.

    Léa au bout du compte elle perd jamais.

     

     

     

     

  • Théorème

     

    Théo vit sa vie hors affect positif. Il a, sinon la haine, à coup sûr la grogne, la hargne. C'est un renfrogné chronique. Pourquoi on sait pas.

    Une histoire qui traîne, un truc pas réglé depuis l'enfance, genre un oedipe qui lui reste sur le cœur, à cause d'un père sadique et d'une génitrice abusive ?

    Dirait je suppose un psychanalyste freudien, ou lacanien, ou freudo-lacanien. Théo on s'en doute n'est pas du genre à consulter un psychanalyste. À l'instar de tous les chieurs, il préfère rester dans son caca.

    Et en faire profiter le populo autour. Avec grand jeu d'hystérisation théâtrale si possible.

    À propos : côté théâtre, outre le prince danois célèbre pour son oedipe irrésolu et son caractère itou, Théo évoque Alceste. Vous savez, le type peu porté à apprécier ses congénères.

    Cependant, au contraire de Théo le grognon, ces deux-là, nonobstant leur caractère négatif, ont su préserver une certaine urbanité (sur les planches en tous cas. Pour le reste leur vie privée ne nous regarde pas).

    Bref Théo a conçu pour ses congénères une indicible ... euh non une effroyable haine. C'est un effet de projection dû à son caractère paranoïaque qui lui donne une certaine niaque.

    Préciserait sans doute le psychanalyste que nous avons convoqué plus haut (se révélant ici lacanien par le jeu sur les signifiants).

    Théo a vite fait de classer les gens dans la catégorie raseur, voire épilateur définitif. L'ennui c'est que la vie oblige souvent à fréquenter les infréquentables, à écouter les raseurs horripilants sans trop se hérisser. C'est un principe de réalité.

    C'est ce que Théo a de la difficulté à accepter. La réalité. Et c'est alors fort à propos qu'un psychanalyste de toute obédience parlerait de névrose.

    Le principe de réalité est la continuation du principe de plaisir.

    Ceci est un des postulats freudiens les plus utiles dans la vie courante. Un truc de bon sens et de jugeote. Un truc qui n'ingère pas de pain. Pas besoin de vivre plus de quatre-vingts ans à l'instar de Freud ou de Lacan pour en faire l'expérience.

    On en déduira, à l'inverse, que si Théo est en délicatesse avec la réalité, qui lui enjoint de prendre les autres tels qu'ils viennent, c'est qu'il est avant tout en délicatesse avec le plaisir, avec la vie, avec le plaisir de vivre.