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  • Il est beau

    « Il est beau ce passage de Platon : Celui qui veut tenir des propos sur les hommes doit regarder comme d'un lieu élevé les événements de la terre : troupeaux, armées, agriculture, mariages, divorces, naissances, décès, tumulte des tribunaux, déserts, divers peuples barbares, fêtes, deuils, assemblées, tout le désordre et l'harmonie du monde faite de contrastes. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VII, 48)

     

    Le passage de Platon, bof je trouve (j'en dis ce que j'en sens). Ouais la fin à la rigueur c'est pas mal tout le désordre et l'harmonie du monde faite de contrastes.

    Mais entre nous la paraphrase qu'en fait Montaigne c'est autre chose : Notre vie est composée comme l'harmonie du monde, de choses contraires, aussi de divers tons, doux et âpres, aigus et plats, mols et graves. Le musicien qui n'en aimerait que les uns, que voudrait-il dire ?

    (Essais III,13 De l'expérience).

     

    Et puis alors le coup du lieu élevé, regarder de loin, ça c'est le Platon qui ne me dit rien. (Je sais c'est pas le propos) (mais j'ai déjà cité la phrase des Confessions de Rousseau : le lecteur n'a pas besoin de savoir tout cela, mais j'ai besoin, moi, de le lui dire).

    Cependant une chose est vraiment touchante, indépendamment du contenu de cette pensée, c'est l'admiration dont fait preuve Marc-Aurèle, en elle-même.

    Et plus encore son désir de nous la faire partager, désir naïf, presque enfantin, dans la spontanéité de ce « il est beau ».

     

  • Critique de la raison phobique

    « Ne sois pas troublé par l'avenir. Avec la raison dont tu te sers aujourd'hui pour le présent, s'il le faut, tu y arriveras. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VII,8).

     

    Vous savez quoi : on voit que ce cher Marco n'a jamais été phobique, et je m'y connais. Le phobique est lui aussi un être doué de raison, pas de doute là-dessus. À vrai dire il serait même un peu trop raisonneur.

    Car sans me vanter le phobique présente une tendance spontanée à tout voir, sous tous les angles, à décortiquer attitudes, événements, paroles. Un tropisme analytique et interrogatif qui fait de son rapport au monde un incessant QCM multi-entrées.

    Un monde de « quoique », de « oui mais alors » et de « d'un autre côté ».

    Genre controverses talmudiques non-stop.

     

    Bref ma raison, contrairement à celle de Marco, est plutôt du genre à me causer style : OK jusqu'ici tu y es arrivée (quoique) (bon disons à peu près), mais comment savoir si tu arriveras à y arriver pour la suite ?

    En fait plus que de raison c'est une question de confiance.

    Marc-Aurèle n'a pas franchement confiance dans les autres, il sait qu'il peut toujours s'attendre à une patate (même avant Parmentier oui si je veux). Et d'ailleurs dans son job c'est mieux d'être toujours un peu sur ses gardes.

    Mais il ne manque pas de confiance en lui. Il se fait confiance pour trouver la bonne réaction, la bonne réponse, pour faire ce qu'il faut.

    Le phobique n'a pas confiance, surtout pas en lui-même. Il doute en toutes circonstances d'être capable de faire ce qu'il faut. Il pense plutôt (enfin il suppose) qu'il fera défaut.

    Tout ça pour dire que la vie est bien faite, je frémis à l'idée que j'aurais pu me retrouver empereur romain.

     

    Sinon un dernier truc : quand Marc-Aurèle dit que sa raison qui marche bien aujourd'hui marchera tout pareil dans l'avenir, je ne peux m'empêcher de faire entendre encore un quoique.

    Ça se voit qu'il était d'un temps où l'espérance de vie ne permettait pas à certaines pathologies légèrement perturbatrices de la raison d'arriver à maturité ...

    « Bientôt tu auras tout oublié, bientôt tous t'auront oublié. » (Pensées pour moi-même VII, 21)

    C'est là qu'on se dit : super bonne idée d'aller chercher réconfort dans la philosophie.

     

  • La ruche et la cruche

    « Ce qui n'est pas utile à la ruche ne l'est pas non plus à l'abeille. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VI,54)

     

    Soit la proposition logique « si A alors B », on peut énoncer la proposition dite contraposée « Si non B alors non A ».

    Si la première est vraie, la seconde le sera aussi.

    Soit la pensée politique dite libérale (type Adam Smith). Que dit-elle sinon « ce qui est utile à l'abeille l'est aussi à la ruche ».

    Marco en donne ici la contraposée. C'est la pensée politique dite sociale (type Rousseau).

     

    Mais alors n'est-il pas un tantinet illogique d'opposer les deux ? Et du coup question suivante : pourquoi cette opposition continue-t-elle à être le ressort essentiel du débat politique ?

    « C'est plus marrant et surtout plus facile de jouer à buzzer et s'opposer que de travailler ensemble pour résoudre les problèmes », répondraient de toute évidence les (prétendus) responsables politiques.

    Et pendant ce temps-là la ruche périclite.

     

    Quand même, cette confusion du fiel et du miel, ça pose question, non ? Est-ce par goût ? Conviction que les mouches se prennent avec du vinaigre ? Accointance avec les dealers d'insecticide ?

    À moins tout bêtement que ces gens ne soient très bêtes.

    Sauf votre respect, les animaux, abeilles mes sœurs qui pillotent de ci de là, et aussi vous, porcs-épics schopenhaueriens, araignées spinozistes ...

    - Laisse tomber : ce n'est pas ta destinée d'être un chasse-mouches. 

    - T'as raison Friedrich, mais le problème c'est que l'apiculture ça s'improvise pas.