« Prends-moi et jette-moi où tu veux. Là encore, mon esprit sera paisible, c'est à dire satisfait d'être et d'agir conformément à sa propre constitution. Cela mérite-t-il que mon âme se sente mal, qu'elle s'avilisse, humiliée, avide, noyée, épouvantée ? Que trouver qui vaille cette peine ? »
(Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VIII, 45)
C'est souvent que ces pensées notées au jour le jour font référence à des faits et des personnes précises, mais sans que Marc-Aurèle détaille le contexte. Il y est fait allusion simplement avec « cela » mérite-t-il.
À part cela, donc, cette pensée marque une fois de plus les limites du stoïcisme.
Imaginons que quelque l'ait pris et jeté disons à Auschwitz par exemple (ou tant d'autres lieux aussi inhumains, y compris hélas en activité aujourd'hui encore). Dur d'y garder l'esprit paisible et satisfait, de ne pas être avili, épouvanté, noyé, non ?
Et c'est là qu'on se souvient de Primo Levi avec son titre qui est une citation de Dante « Se questo è un uomo », si c'est un homme.
Agir conformément à sa propre constitution d'être humain, et surtout arriver à préserver une parcelle d'humanité en soi, sera-ce par la tension stoïcienne ? Peut être. Ce sera comme on peut, surtout.
Levi et ses compagnons d'infortune, eux, le firent en se récitant les vers de la Divine Comédie, en cherchant désespérément consolation dans la beauté de l'art, la culture transmise par des siècles d'humanité, et inscrite dans leur mémoire comme un viatique pour la traversée de l'enfer.