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  • Vol libre

    « Il n'existe pas de voleur de la liberté de choix. C'est d'Épictète. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même XI,36)

     

    Marc-Aurèle livre la citation (et plusieurs autres) sans commentaires (prise de notes en attendant de trouver le temps d'y réfléchir entre deux campagnes sarmaticides*?)

    Difficile en tous cas de savoir s'il adhère ou si une telle affirmation le laisse sceptique. Le deuxième, non ? M'étonnerait qu'en son temps romanticain on reculât devant ce genre de vol. Ni en aucun temps en fait.

     

    D'ailleurs sans me vanter ce dont notre époque peut se glorifier, c'est qu'elle s'en est fait carrément une spécialité : le vol de liberté de choix est vraiment sa marque de fabrique, son moteur, sa raison d'être. Moyennant bien sûr un vol de vérité.

    « Notre vérité de maintenant, ce n'est pas ce qui est, mais ce qui se persuade à autrui : comme nous appelons monnaie non celle qui est loyale seulement, mais la fausse aussi qui a mise. »

    (Montaigne Essais II,18 Du démentir)

     

    Vol de vérité/liberté où excellent par exemple la publicité (lessive, camembert, association humanitaire, collectivité territoriale, président de la république – aucune différence), ou les fake news algorithmées.

     

    Corrélativement, logiquement, notre époque ne trouve vraiment honorables, selon sa valeur directrice le commerce (son signifiant-maître, dirait Lacan) que les meilleurs voleurs de liberté sur la place du marché.

     

    « La place du marché est pleine de bouffons solennels – et la foule se glorifie de ses grands hommes ! Ils sont pour elle, les maîtres du moment. »

    Nietzsche Ainsi parlait Zarathoustra (Les mouches du marché)

    Bouffons solennels : bien dit, non ? Et sans connaître Trump et tutti quanti. On ne dira jamais assez le génie visionnaire de Nietzsche.

     

    *cf 26 juin Utile

     

  • Le comble de l'absurdité

    « Surtout, garde-toi constamment de quatre altérations de la conscience. Dès que tu les découvres, efface-les en te disant respectivement : cette idée n'est pas nécessaire ; celle-ci dissout la société ; celle que je vais exprimer n'est pas de moi. Car tenir un propos qui n'est pas de soi est le comble de l'absurdité. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même XI,19)

     

    Voilà qui ne va pas faire les affaires des réseaux sociaux dont les deux mamelles sont bavardage et cafardage (sans oublier la troisième retwittage).

    Mais heureusement, parmi leurs utilisateurs, créateurs et promoteurs, qui s'intéresse à des pensées philosophiques non immédiatement médiatisables & bankable ? Ouf ça rassure, le monde est bien fait, et le vain commerce de la vanité n'est pas près de faire faillite.

     

    Quoi, lecteur ? Où est passée la quatrième ? (Bravo tu perds pas le fil).

    « Quant à la quatrième altération à se reprocher, c'est la défaite de la partie de toi la plus divine, sa soumission à la partie mortelle, la moins estimable de ton corps, et à ses plaisirs grossiers. » Voilà, tu l'as voulu tu l'as eu, lecteur.

    (Oui j'avoue j'avais un tout petit peu censuré, c'est vraiment trop pénible ce dualisme platonicien).

     

    Bref, si je t'en crois, Marco, je suis au comble de l'absurdité vu que je tiens souvent ici des propos qui ne sont pas de moi (enfin je les tiens, je les lâche plutôt, je les rapporte disons).

    Mais c'est lorsque je les trouve utiles et/ou beaux.

    (Comme les tiens ? Ben oui tu vois).

    Ou que j'y adhère et que, comme on dit, « j'aurais pas mieux dit ».

    (Comme les tiens ? Ça arrive).

    Ou alors que je prends du plaisir à les discuter. Voire à les contester. Voire à en rire un peu quand je peux. Et quand ça m'arrive avec les tiens, tu aurais tort de me le reprocher, car c'est une chose qui, loin d'être une altération de la conscience, serait plutôt du genre à la revigorer.

     

  • Comme une balle lancée en l'air

    « La nature de chaque chose vise autant sa fin que son commencement et son cours. C'est comme une balle lancée en l'air. Quel bien y a-t-il pour la balle à monter et quel mal à descendre ou à tomber à terre ? Quel bien pour la goutte d'eau à se former et quel mal à se dissoudre ? Pareil pour la lampe. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VIII, 20)

     

    Je mets cette citation pour renvoyer la balle de la dernière fois. Elle est fort belle, j'aime ces images qui rendent le mouvement de la vie. Mais sur le fond moral du propos, décidément je n'arrive pas à adhérer à la sagesse stoïco-zen qui fait abstraction de l'affect.

    Et pourtant j'aimerais bien, ainsi que le conseillera aussi Schopenhauer, me poser tranquille dans l'abri psychologique de "l'objectité". 

     

    La balle la goutte d'eau la lampe n'ont pas mal. Grand bien vous fasse, chères choses. Pour moi, dotée de la pensée qui est le propre de la pauvre humaine que je suis (oui avec le rire, mais c'est pas tous les jours), je ne vois pas toujours comment m'y prendre, pour positiver par l'objectiver.

     

    « Constamment – et si possible à chaque idée – applique les sciences naturelles, la pathologie et la dialectique. »

    (Pensées pour moi-même VIII, 13)

    Ah oui quand même ... Je me demande si je ferais pas mieux d'apprendre à jongler, finalement.