« Ce n'est pas dans la passion, mais dans l'activité que réside pour l'être raisonnable et social le bien et le mal, ainsi que le vice et la vertu. »
(Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même IX,16)
Outre son évidente résonance spinoziste, cette pensée m'évoque la phrase de Kierkegaard (dans Ou bien ou bien je crois)
« Le choix éthique n'est pas de choisir le bien ou le mal, mais de choisir le vouloir ».
Monsieur K. analyse angoisse et culpabilité, à partir des siennes (pourquoi se priver du riche matériau qu'on a sous la main), non sans autodérision. Autodérision qui était sa forme de lutte contre un surmoi de poids, un vrai surmoi-sumo (pire que celui de Marco) (papa pasteur ça aide pas, Nietzsche confirme) (en plus le climat danois, pourri comme on sait, n'est pas un atout pour l'optimisme).
Bref il a cherché à formuler une éthique de libération.
La question le bien ou le mal est en effet une fausse question, un leurre, un alibi. C'est surtout comme la question bien connue la bourse ou la vie.
Vous connaissez beaucoup de gens, vous, qui disent : moi je choisis de faire le mal ? Sade, peut être, et encore : ne veut-il pas démontrer que le mal qu'il met en œuvre est une forme supérieure de bien ?
Dans les horreurs dont l'Histoire a gratifié l'humanité, les démoniaques bourreaux de l'autre ont en général invoqué un prétendu bien : pureté de la race aryenne, instauration d'une société parfaite, règne universel de tel dieu, telle valeur.
Quant aux pervers quotidiens au petit pied, se prenant pour référence absolue, ils veulent sans états d'âme leur bien.
En revanche, choisir le vouloir (qui sera donc nécessairement vouloir le bien), n'est pas évident. Souvent, on parle (du) bien pour s'éviter de (le) faire. Il faut donc cesser de se payer de mots, et agir, simplement et réellement, en lieu et heure, avec l'autre concret, celui qui est là, tel qu'il est. Sans illusion, mais sans réticence.
Nietzsche de son côté a formulé l'éthique en une expression hélas pervertissable (on ne s'est pas privé de la pervertir), mais si juste : der Wille zur Macht. La volonté de pouvoir, d'avoir un effet.
Kierkegaard savait que c'est ce qu'il y a de plus difficile, lui qui a dit aussi que les vrais héros sont les héros du quotidien.