J'enchaîne donc sur les affects négatifs mentionnés dans ce scolie de la prop.30 part.3 (cf note précédente).
Pudor note un sentiment de honte, induisant un comportement de retenue (d'où notre mot pudeur, dans lequel la honte a été gommée plus ou moins). Il peut se préciser à l'aide d'un terme de sens proche.
Pour signifier la retenue ou la réserve, le latin dispose aussi du mot verecundia qui a donné vergogne.
Quelle différence entre les deux ? La retenue impliquée par la verecundia repose sur le respect d'autrui. On s'abstient de faire une chose qui risque de le choquer.
Mais la retenue qui procède de la pudor provient de la peur d'être mal vu de l'autre (à l'inverse de la gloire consistant à être bien vu). Comme toute peur elle implique l'inhibition. Et l'inhibition est chose contraire à l'affirmation du conatus.
La honte est donc une tristesse au fort pouvoir ravageur.
Penitentia, tristesse symétrique de la joie acquiescentia in se, je le traduirais bien par auto-flagellation.
La traduction par repentir peut s'éclairer elle aussi dans le même sens, selon le propos de Montaigne dans son chapitre intitulé précisément Du repentir :
« Excusons ici ce que je dis souvent, que je me repens rarement et que ma conscience se contente de soi, non comme de la conscience d'un ange ou d'un cheval, mais comme de la conscience d'un homme »
(Essais III, 2, c'est moi qui souligne).
Éloquent, non ? Tout le secret de la force tranquille de Montaigne est livré là.
Et puis chose promise chose due, la fin du scolie :
« Ensuite, parce qu'il peut se faire que la joie dont quelqu'un imagine (= se représente) affecter les autres soit purement imaginaire (= inventée), et que chacun s'efforce d'imaginer de lui-même tout ce qu'il imagine l'affecter de joie, il peut donc aisément se faire que le glorieux soit orgueilleux (= qui fait de soi plus de cas qu'il n'est juste cf Mytho), et imagine être agréable à tous alors qu'il est pénible à tous. »
(Spinoza Éthique part.3 scolie prop.30)
On sent le vécu …