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  • Indiciblement plus

    « n°58 : Seulement en créateurs !

    Voici ce qui m'a coûté et ne cesse encore de continuer à me coûter les plus grands efforts : me rendre compte que la manière dont on nomme les choses compte indiciblement plus que ce qu'elles sont.

    La réputation, le nom et l'apparence, le crédit, la mesure et le poids usuels d'une chose – à l'origine le plus souvent une erreur et une décision arbitraire jetée sur les choses comme un vêtement, et totalement étrangères à son essence et même à sa peau –, à la faveur de la croyance qu'on leur accorde et de leur croissance de génération en génération, prennent en quelque sorte racine dans la chose et s'y incarnent progressivement pour devenir son corps même (…).

    Quel fou serait l'homme qui prétendrait qu'il suffit de montrer cette origine et cette enveloppe nébuleuse d'illusion pour anéantir (…) la soi-disant ''réalité''. C'est seulement en créateurs que nous pouvons anéantir !

    – Mais n'oublions pas non plus ceci : il suffit de créer de nouveaux noms, appréciations et vraisemblances pour créer à la longue de nouvelles ''choses''. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Second livre)

     

    Et le moins qu'on puisse dire c'est qu'on ne s'en est pas privé. Pour le meilleur et pour le pire.

     

  • Faire durer la danse

    « n°54 : La conscience de l'apparence.

    (…) Que puis-je énoncer d'une certaine essence sinon les seuls prédicats de son apparence !

    (…) L'apparence, c'est pour moi cela même qui agit et qui vit, qui pousse la dérision de soi-même jusqu'à me faire sentir que tout ici est apparence, feu follet, danse des esprits et rien de plus,

    – que parmi tous ces rêveurs, moi aussi ''l'homme de connaissance'', je danse ma propre danse, que l'homme de connaissance est un moyen de faire durer la danse terrestre, et qu'il fait partie en cela des grands intendants des fêtes de l'existence, que l'enchaînement et la liaison sublime de toutes les connaissances sont et seront peut être le suprême moyen de maintenir l'universalité de la rêverie et la toute-intelligibilité mutuelle de tous ces rêveurs, et par là justement de prolonger la durée du rêve. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Premier livre)

     

    Si l'on rapproche ce texte des précédents, on voit que Nietzsche n'a pas peur de se contredire.

    À moins que ce ne soit pas là contradiction, mais recherche d'une synthèse plus profonde, celle du – paradoxe.

    (Décidément ce truc du tiret, on y prend goût) (cf 19 mars À grands flots d'encre)

     

  • Faisons l'essai

    « n° 51 : Sens de la vérité.

    Je me félicite de tout scepticisme auquel il m'est permis de répondre : ''Faisons l'essai !'' Mais je ne veux plus entendre parler de ces choses et de ces questions qui n'admettent pas l'expérience. Telle est la frontière de mon ''sens de la vérité'' : car la bravoure y a perdu ses droits. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Premier livre)

     

    Oui il faut du courage, de la bravoure, pour affronter la réalité, passer ce qu'on admet pour vrai au crible de l'expérience. Mais sans cette vérification, la vérité reste un vain mot.