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  • L'avantage sur les monolithes de l'esprit

    " n°90 : Lumières et ombres.

    Les livres et les écrits diffèrent selon les différents penseurs : l'un a rassemblé dans son livre les lumières qu'il a su ravir promptement aux rayons d'une connaissance qui s'est mise à flamboyer pour lui, et qu'il a su s'approprier ; un autre ne restitue que les ombres, les images en gris et noir de ce qui s'édifiait dans son âme le jour précédent."

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Second livre)

     

    L'un, l'autre, ou bien le même selon les moments.

    Bipolarité de l'ombre et de la lumière, de la flamme solaire et de la cendre grise.

    Alternance de santé et de maladie, d'énergie et d'abattement, de joie et de détresse.

     

    Nietzsche a été conscient que, pour douloureux qu'il fût, ce fonctionnement a été une des clés de son potentiel créateur.

    « Je sais assez l'avantage que me procure ma santé aux variations nombreuses sur tous les monolithes de l'esprit. Un philosophe qui a cheminé et continue toujours de cheminer à travers beaucoup de santés a aussi traversé un nombre égal de philosophies. »

    (Le Gai Savoir. Préface à la seconde édition)

     

  • Ces petites plantes nouvelles

    « n°87 : De la vanité des artistes.

    Je crois que les artistes ignorent souvent ce qu'ils savent le mieux faire parce qu'ils sont trop vaniteux et qu'ils dirigent leur esprit vers un plus grand sujet de fierté que de paraître ces petites plantes qui, nouvelles, rares et belles, savent pousser avec une véritable perfection sur leur sol. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Second livre)

     

    S'il n'y avait que les artistes, hein ? Dans tous les domaines, effectivement, on constate chez beaucoup cette sorte de vanité qui consiste à vouloir être autre chose que ce qu'on est. Parce que le succès, la reconnaissance, (sans compter l'argent) passent par des chemins balisés, fléchés, par les sentiers battus.

    Alors on n'a pas le courage (ni cette fierté qui s'opposerait à la commune vanité) d'explorer son propre chemin. Alors, au lieu de faire, à sa façon, ce qu'on sait et peut faire, et que par conséquent on ferait bien, on essaie bêtement de faire comme, d'appliquer des recettes.

    Résultat : on ne fait pas, on contrefait ; on ne produit pas, on reproduit.

    Que de petites plantes nouvelles, rares et belles, qui ne pousseront jamais, que de récoltes perdues, de fruits qui ne mûriront pas et ne nourriront personne, que d'éclosions avortées, de fleurs qui ne s'épanouiront pas et n'émerveilleront personne.

     

  • Avec tout mon respect pour Aristote

    « n°80 : Art et nature

    (...) C'est devenu pour nous un besoin que nous ne pouvons satisfaire dans la réalité que d'entendre des hommes placés dans les situations les plus difficiles parler élégamment et abondamment : nous éprouvons désormais du ravissement lorsque le héros tragique trouve encore des paroles, des raisons, des gestes éloquents et en fin de compte une intellectualité lumineuse là où la vie approche les abîmes, et où l'homme réel perd le plus souvent la tête et le beau langage. (...)

    C'est justement ici qu'on a le devoir de contredire la nature ! (…) Les Grecs vont loin sur ce chemin, loin, – terriblement loin ! (…) Ils ont privé la passion d'arrière-plan profond et lui ont dicté la loi du beau langage, ils ont même tout fait de manière générale pour s'opposer à l'effet élémentaire des images suscitant la terreur et la pitié : ils ne voulaient justement pas de la terreur et de la pitié, avec tout mon respect pour Aristote, mon plus profond respect ! (…)

    L'Athénien allait au théâtre pour entendre bien parler !

    Il en va bien autrement de l'opera seria : tous ses maîtres s'efforcent d'empêcher que l'on comprenne leurs personnages. (…) Un peu plus d'impudence de la part de Rossini, et il aurait fait chanter la-la-la-la du début à la fin – ce en quoi il aurait eu de la rationalité ! Il ne faut justement pas croire les personnages d'opéra ''sur parole'', mais sur le ton ! Voilà la différence, voilà la belle non-naturalité pour laquelle on va à l'opéra ! »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Second livre)

     

    Nietzsche, on le sait, était d'abord philologue, spécialiste du langage. Et c'est son travail sur le langage qui l'a amené à la philosophie.

    Il a inauguré une pensée moderne du langage, s'interrogeant sur le rapport entre les mots et les choses (c'est ce qu'il nommait sa physiologie) les mots et les idées, les mots et les sentiments (ouvrant à l'aspect éthique de son œuvre), les mots et les sensations (ouvrant à son aspect esthétique).

    Il est clair que dans toute son œuvre il s'est efforcé de bien parler : parler juste, parler vrai, parler beau.

    On pourrait certes discuter ici ses assertions sans nuance (et montrer un peu plus de respect pour ce bon vieil Aristote). Mais en tous cas en lisant cela je me dis que j'aurais bien aimé aller au théâtre ou à l'opéra avec lui.