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  • Notre part (7)

    « Donne-nous aujourd'hui le pain dont nous avons besoin,

    pardonne-nous nos torts envers toi,

    comme nous-mêmes avons pardonné à ceux qui avaient des torts envers nous,

    et ne nous conduis pas dans la tentation,

    mais délivre-nous du Tentateur. » (Matthieu 6, 11-13)

     

    Le pain dont nous avons besoin. Chouraqui dit notre part de pain. Il replace ainsi le besoin dans la vie de la collectivité. Chacun a besoin de pain, mais ne peut oublier que l'autre à côté de lui en a besoin de même. Ce pain sera donc à partager.

    Aujourd'hui peut se comprendre de deux manières (non exclusives l'une de l'autre).

    Le pain est vital, on en a besoin tout de suite. Donne-nous aujourd'hui, pas demain.

    Deuxième façon de comprendre : le don de ce pain, c'est au jour le jour, on ne peut pas (on ne doit pas?) en faire provision. Et là on pense à un autre texte. Le livre de l'Exode évoque le moment où le peuple sorti d'Égypte erre dans le désert où il n'y a rien a manger. Les gens se plaignent : en Égypte on était esclaves mais au moins on ne mourait pas de faim. Moïse comme d'habitude répercute la revendication.

    Et c'est l'épisode de la manne.

    « Sur la surface du désert, il y avait quelque chose (…) tel du givre sur la terre. Les fils d'Israël regardèrent et se dirent l'un à l'autre 'man hou ?' qu'est-ce que c'est ? (…) Moïse leur dit 'c'est le pain que le Seigneur vous donne à manger' »

    Moïse leur interdit d'en faire provision. C'est chacun sa part chaque jour, selon ses besoins, « ni plus ni moins » insiste-t-il. Mais évidemment ça ne rate pas, certains passent outre. Résultat « cela fut infesté de vers et devint puant ». (Exode 16, 14-20)

    À méditer pour le capitaliste qui sommeille en chacun (beaucoup d'insomniaques).

    Pardonne comme nous avons pardonné renvoie à la béatitude heureux les miséricordieux il leur sera fait miséricorde. Et répète l'idée que si l'homme ne fait pas sa part, Dieu ne pourra faire la sienne.

    Ne nous conduis pas dans la tentation mais délivre-nous du Tentateur. La phrase évoque le livre de Job, où l'autorisation est donnée à l'Adversaire de tenter Job le juste, comme une sorte de concours genre on va voir qui est le plus fort : dieu ou son antagonique ? (Job 1, 6-12)

    Ici la question n'est pas celle d'une lutte métaphysique du Bien et du Mal.

    Au contraire est clairement récusée l'idée perverse de faire de l'humain le jouet de deux super puissances rivales. À cet égard le mot tentation est bien ambigu.

    C'est pourquoi sans doute Chouraqui préfère traduire : ne nous fais pas entrer dans l'épreuve mais délivre-nous du criminel.

    Une traduction qui rappelle que la seule question qui vaille est le bien ou le mal que les hommes se font les uns aux autres, le bien ou le mal vécus dans l'immanence de leur être.

    L'occasion de citer une fois de plus la phrase de Montaigne, qui dit tout ce qu'il y a à dire sur ce point :

    « Quoi qu'on nous prêche, il faudrait toujours se souvenir que c'est l'homme qui donne et l'homme qui reçoit. » (Essais II, 12 Apologie de Raimond Sebon)

     

  • Notre (6)

    « Vous donc, priez ainsi :

    Notre Père qui es aux cieux,

    fais connaître à tous qui tu es,

    fais venir ton règne,

    fais se réaliser ta volonté

    sur la terre à l'image du ciel.

    Donne-nous aujourd'hui le pain dont nous avons besoin,

    pardonne-nous nos torts envers toi,

    comme nous-mêmes avons pardonné à ceux qui avaient des torts envers nous,

    et ne nous conduis pas dans la tentation,

    mais délivre-nous du Tentateur. » (Matthieu 6, 9-13)

     

    Bon voilà on va tenter de comprendre ce qu'on peut de ce texte pas si simple qu'il en a l'air (en a-t-il l'air d'ailleurs?). J'ai recopié la traduction de la TOB, et la confronterai pour certains éclairages à celle de Chouraqui.

    Vous donc, priez ainsi. Jésus vient de dire comment il ne faut pas prier : en frimant « pour la galerie » (cf 5). Il enchaîne, logiquement, en disant comment on peut prier, en donnant sa propre conception de la prière.

    Notre Père qui es aux cieux. Notre Père des ciels dit Chouraqui. Perso je préfère dire céleste, car il s'agit d'un caractère, non d'un « lieu », fût-il symbolique. On l'a déjà vu, il n'est pas question de séparer un « au-delà » de l'ici et maintenant, ni de se situer ailleurs que sur notre terre à nous humains*. Comme dit Nietzsche, il n'y a pas d'arrière-mondes.

    Il s'agit donc de travailler à rendre ce monde nôtre conforme à ce caractère céleste défini (comme est définie une fonction mathématique) par les béatitudes (cf mon précédent parcours).

    Or mener à bien l'œuvre de « célestification » de la terre n'est pas facile, c'est pourquoi on va demander l'aide du père, qui, du fait de la « célestitude » qu'on lui suppose, doit pouvoir donner un coup de main. C'est l'objet de la première partie (on verra la seconde la prochaine fois).

    fais connaître à tous qui tu es, (sanctifie ton nom dit Chouraqui)

    fais venir ton règne,

    fais se réaliser ta volonté

    sur la terre à l'image du ciel.

    Tout ça est bien, mais concrètement, comment ça va se faire ?

    Le comment est déductible d'un mot dans l'adresse au père céleste, le mot clé : « notre ». Le travail de rendre le monde conforme à la célestitude divine commence pour l'humanité par le fait de se concevoir comme un « nous ». De comprendre que le père céleste est le père de tous, comme la terre est en partage à tous les humains (cf mon précédent parcours 2/9 et 4/9).

    Remarquons ainsi que cette nomination de notre père vient, à mon sens, donner une issue au drame de la déchirure du lien fraternel entre Caïn et Abel que le mythe biblique pose à l'orée de l'histoire humaine autour de la question : à qui de nous deux va la bénédiction de dieu ? (Genèse 4).

     

    *cf en particulier dans le précédent parcours Comme un fils d'homme (7/9)

  • Pas comme les hypocrites (5)

    Après le Décalogue, Jésus mentionne diverses prescriptions qui l'accompagnent dans la Torah. Le talion, ainsi que le commandement d'amour du prochain (Matthieu 5, 38-48) ont été rencontrés dans la série précédente (Béatitudes 3/9 et 4/9). On a constaté que Jésus radicalisait ces commandements en les abondant au point de les renverser.

    Non pas exiger la « réparation » de la justice comptable du talion, mais, allant bien au-delà de ce que l'autre demande, lui donner de « l'en plus. »

    « Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense en aurez-vous ? (…) Vous donc, vous serez parfaits comme votre père céleste est parfait .» (Mtt. 5 46 et 48)

    Au lieu de récompense la traduction de Chouraqui dit salaire, et au lieu de parfait : intègre (de même racine que entier). Il me semble donc qu'on peut comprendre :

    Si vous aimez ceux qui vous aiment, que gagnerez-vous ? (…) Vous donc, vous vous donnerez entièrement (vous ne mesurerez pas, vous serez sans réserve) « afin d'être vraiment les fils de votre père des cieux car il fait lever son soleil sur les bons et les méchants et pleuvoir la pluie sur les justes et les injustes » (5, 45)

     

    Puis le texte en vient à ce qu'il est convenu d'appeler pratiques religieuses : aumône, prière, jeûne.

    En liminaire, un avertissement qui en résume l'esprit : « Gardez-vous de pratiquer votre religion devant les hommes pour attirer leurs regards ; sinon pas de récompense pour vous auprès de votre père qui est aux cieux. » (Mtt. 6,1)

    Attirer le regard les hommes versus chercher récompense auprès de votre père céleste.

    Au lieu de faire du bien avec efficacité, "pour de bon", en donner seulement l'image (y compris en faisant du mal) (tel Tartuffe), il y a un mot pour cela : l'hypocrisie.

    « Quand donc tu fais l'aumône, ne le fais pas claironner devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, en vue de la gloire qui vient des hommes » (6,2).

    « Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites qui aiment faire leurs prières debout dans les synagogues et les carrefours, afin d'être vus des hommes. » (6,5)

    « Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air sombre comme font les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu'ils jeûnent. » (6,16)

    Dans les synagogues et rues, dans les synagogues et carrefours : à ce type de pratique « pour la galerie », le texte oppose l'expression ton père qui voit dans le secret.

    Et c'est à ce père-là que s'adresse une prière dont nous regarderons le texte la prochaine fois.