« Renoncer à cette cette servitude qu'est l'attirance féminine. »
(Camus Carnets mars 1941)
Phrase désagréable, avec ses évocations subliminales : la femme fatale, Ève tentatrice secondant le serpent tentateur, la magicienne Circé, Pandore incapable de résister à sa curiosité bien féminine qui ouvre la boîte aux maux ...
Des fantasmes prisés par les hommes, tant ils sont pratiques pour servir d'alibi à leurs errements. Parce que la boîte aux maux, qui l'a en mains en ce moment par exemple hein ? Des taliban-es afghanes ? Des mollah-es iraniennes ? Les femmes qui tentent de faire survivre leur famille à Gaza ? Celles qui pleurent leurs morts massacrés dans les kibboutz ?
Mais bon allez soyons honnêtes, Camus est à mille lieues ici de la question politique, ce qui parle en lui n'est pas la raison mais le coeur, dont les raisons etc.
« Par quoi un cœur se gouverne-t-il ? Aimer ? Rien n'est moins sûr. On peut savoir ce qu'est la souffrance d'amour : on ne sait pas ce qu'est l'amour. Il est ici privation, regret, mains vides. Je n'aurai pas l'élan ; il me reste l'angoisse. Un enfer où tout suppose le paradis. C'est un enfer cependant. J'appelle vie et amour ce qui me laisse vide. Départ, contrainte, rupture, ce cœur sans lumière éparpillé en moi, le goût salé des larmes et de l'amour. »
Heureusement pour la lectrice, Camus ajoute ce passage, où se révèle sa sensibilité d'homme passionné, exacerbée par le moment de dépression qu'il traverse.
Une dépression magistralement et poétiquement définie, à la manière d'un Musset ou d'un Racine : ce cœur sans lumière éparpillé en moi.