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Blog - Page 250

  • Au complet

    « Que chacune de tes actions complète la vie sociale, comme toi-même tu complètes la communauté. Toute action de toi qui n'aurait pas de rapport, de près ou de loin, avec une finalité sociale disperse la vie, la divise, est séditieuse, comme celui qui, au sein d'une démocratie, se retire de la participation à l'assemblée. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même IX, 23)

     

    L'avantage de la double casquette empereur et philosophe sans doute, Marc-Aurèle ne cherche pas à se retirer bien peinard sur son Aventin personnel. Son sens de la responsabilité l'oblige à assumer sa situation.

    Il échappe ainsi à certains travers d'une pseudo-philosophie narcissique de « travail sur soi », qui est rarement, malgré le discours affiché, un travail pour les autres.

     

    Au fait (ou pas), à propos de compléter la communauté, je m'avise que les grands absents de ces Pensées sont les femmes, les enfants.

    Non que Marco, j'imagine, manquait d'intérêt pour les unes et les autres.

    C'est plutôt qu'il ne voyait sans doute pas comment les inclure dans le cadre de sa pensée, (sinon dans celui de la communauté).

    Voire les inclure dans le fait (et le droit) de penser philosophiquement (et selon le logos politikos) ? Et d'intervenir dans la vie sociale à ce titre (ou à quelque titre que ce soit) ?

    Difficile, hein, Marco, d'échapper à ce genre de préjugés ?

     

    Cela dit, notre époque … Oui, quelques progrès çà et là, erratiques. Mais globalement, peut-on vraiment lui faire la leçon sur ce point ?

     

  • D'une pierre deux coups

    « Les hommes sont faits les uns pour les autres. Instruis-les ou supporte-les. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VIII, 59)

     

    En fait la vérité c'est que de toutes façons tu n'as guère le choix faut que tu les supportes. Alors oui tu peux toujours tenter de les instruire.

    Sauf que, soyons lucides, de toutes façons tu n'arriveras pas à les instruire. Alors oui reste à te débrouiller pour les supporter.

    Allez on va dire, soyons positifs, qu'ainsi au moins tu t'instruiras toi-même.

     

    « Le péché d'autrui, laisse-le où il est. » (Pensées pour moi-même IX, 20)

    Et le tien par la même occasion.

     

    « S'il a péché, le mal est là. Mais peut être n'a-t-il pas péché ? » (Pensées pour moi-même IX, 38)

    Ne jamais omettre un peut être.

     

    « S'il se trompe, corrige-le avec bienveillance et montre-lui sa méprise. Si tu ne le peux pas, n'en accuse que toi-même, ou même pas. » (Pensées pour moi-même X, 4).

    Ou même pas : oui, voilà. T'accuser (comme t'excuser) c'est bon t'as donné. Maintenant prends-toi comme tu es.

     

  • Marco et Primo

    « Prends-moi et jette-moi où tu veux. Là encore, mon esprit sera paisible, c'est à dire satisfait d'être et d'agir conformément à sa propre constitution. Cela mérite-t-il que mon âme se sente mal, qu'elle s'avilisse, humiliée, avide, noyée, épouvantée ? Que trouver qui vaille cette peine ? »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VIII, 45)

     

    C'est souvent que ces pensées notées au jour le jour font référence à des faits et des personnes précises, mais sans que Marc-Aurèle détaille le contexte. Il y est fait allusion simplement avec « cela » mérite-t-il.

     

    À part cela, donc, cette pensée marque une fois de plus les limites du stoïcisme.

    Imaginons que quelque l'ait pris et jeté disons à Auschwitz par exemple (ou tant d'autres lieux aussi inhumains, y compris hélas en activité aujourd'hui encore). Dur d'y garder l'esprit paisible et satisfait, de ne pas être avili, épouvanté, noyé, non ?

    Et c'est là qu'on se souvient de Primo Levi avec son titre qui est une citation de Dante « Se questo è un uomo », si c'est un homme.

    Agir conformément à sa propre constitution d'être humain, et surtout arriver à préserver une parcelle d'humanité en soi, sera-ce par la tension stoïcienne ? Peut être. Ce sera comme on peut, surtout.

    Levi et ses compagnons d'infortune, eux, le firent en se récitant les vers de la Divine Comédie, en cherchant désespérément consolation dans la beauté de l'art, la culture transmise par des siècles d'humanité, et inscrite dans leur mémoire comme un viatique pour la traversée de l'enfer.